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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Howard Hawks, #Noir
Le Port de l'angoisse (To have and have not - Howard Hawks, 1944)

Fort-de-France, été 1940.

Alors que le régime de Vichy s’installe, Harry Morgan (Humphrey Bogart) loue son bateau pour des parties de pêche en mer. Pendant ce temps, la Résistance s’organise et aimerait profiter du bateau de Morgan. Mais comme son pays, il ne veut pas prendre partie dans ce conflit, refusant d’aider sans toutefois préférer un camp plutôt que l’autre.

Harry travaille seul, avec son compagnon Eddie (Walter Brennan), un poivrot qui veille sur lui, à moins que ce soit le contraire.

 

« Anybody got a match ? »

Une nouvelle légende est née : Lauren Bacall débarque au cinéma, et d’une certaine façon dans la vie d’Humphrey Bogart.

Elle est jeune, belle, a une voix grave. Elle est magnifique. A tel point qu’on peut presque se demander si Bogart ne la découvre pas à ce moment précis, comme si elle apparaissait devant lui pour la première fois.

 

Dès la première séquence, on sait tout de suite que Morgan est un type particulier. C’est un marin certes, mais à son apparence, on comprend aisément qu’il n’est pas exactement dans la norme : sur sa tête, sa casquette de travers en dit long sur le genre d’homme qu’on va découvrir, et ses premières paroles avec le gardien du port sont de la même veine. (1)

D’une certaine façon, on retrouve dans Harry Morgan un peu de Rick Blaine : c’est un solitaire, neutre dans le contexte dans lequel il évolue, même si ses sympathies vont vers la Résistance. Chose amusante, on retrouve aussi Marcel Dalio qui était lui aussi dans Casablanca, mais cette fois-ci dans un rôle plus important.

 

Hawks signe ici l’un de ses plus beaux films, et surtout l’un des plus légendaires. Ceci est certainement dû à la rencontre entre deux géants : l’un déjà reconnu (Bogart) et l’autre à venir (Bacall). Il y a un fluide qui passe entre les deux et chaque nouvelle confrontation gagne en intensité jusqu’au premier baiser tant attendu (40 minutes !). C’est une joute oratoire autant que visuelle que se livre ces deux interprètes. Et l’allure de dur-à-cuire de Bogart ne tient pas si longtemps que ça devant une telle femme. Et quand ils se retrouvent, que ce soit dans une chambre ou au milieu des clients du bar, c’est comme s’ils étaient seuls au monde. Le temps d’un échange, tout le reste s’évapore, et seule une intervention extérieure importante peut les (2) sortir de leur isolation. Il y a un lien qui se crée dès la première parole échangée. Il y a une analogie avec leur propre vie tant cette rencontre est intense et ne change pas seulement le destin d’Harry Morgan.

 

Howard Hawks a peut-être adapté le pire roman d’Hemingway (3), il n’empêche que ce film reste l’un des plus magnifiques qui soient. C’est un tout : un film qui se passe pendant la guerre, avec une part d’exotisme, de noirceur et d’amour, le tout savamment dosé. Un chef-d’œuvre (mais vous ne m’avez pas attendu pour le savoir). Il y a l’aisance habituelle de Bogart qui est très bien expliquée par le résistant De Bursac (Walter Szurovy) à travers le personnage de Morgan. Mais il y a cette même aisance chez Lauren Bacall qui fait pourtant ses tout premiers pas au cinéma. Elle évolue naturellement, comme si elle avait toujours fait ça, tenant tête à ce vieux loup de mer (pour l’occasion), son regard toujours teinté d’une pointe d’ironie.

Encore une fois, c’est bel et bien la femme qui fait tout le sel du film, et celle-ci est magnifique, à tous les points de vue. On retrouvera cette même équipe deux ans plus tard avec le même plaisir, mais ceci est une autre histoire (4).

 

Outre ce couple mythique, on trouve autour d’eux quelques autres personnages bien définis et surtout bien interprétés. Le méchant (indispensable) tout d’abord : Renard (Dan Seymour) pourrait nous faire penser à Ferrari (Sydney Greenstreet) du même Casablanca, s’il n’était pas aussi détestable. Il a cette même stature d’homme très gros, mais à cela s’ajoute le déshonneur : cet homme travaille pour la police d’Etat qui est réduite à un seul mot, Gestapo (c’est une liberté du film par rapport à l’histoire : c’est normal, nous sommes au cinéma). C’est un personnage très réussi tant il peut être répugnant.

 

Autre personnage important et cette fois-ci très sympathique : Eddie. On retrouve Walter Brennan avec beaucoup de plaisir dans un rôle – habituel – de poivrot, amis avec une dimension pathétique assez prononcée. C’est un personnage très attachant, une espèce de grand gosse : un innocent, comme dit en Bretagne.

Mais il ne faut pas se fier aux apparences : quand Renard essaie de le cuisiner en le faisant boire, il n’y arrive pas, et l’intervention de Harry n’est même pas nécessaire, tant Eddie maîtrise ses réparties. C’est un homme qui sait malgré tout ce qu’il doit faire et surtout se taire. Et si Harry veille sur lui, c’est aussi pour cela.

 

Un film inoubliable et qui vieillit très bien : on ne se lasse pas de le revoir.

 

  1. « Nom ? – Harry Morgan. – Nationalité ? – Eskimo. – Quoi ? – Américaine. »
  2. J’aurais pu mettre « nous » tant ils effacent leur entourage.
  3. Allez voir à ce sujet cette anecdote sur le Net.
  4. Le grand Sommeil.
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