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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Science-Fiction, #Terry Gilliam
L'Armée des 12 Singes (Twelve Monkeys - Terry Gilliam, 1995)

James Cole (Bruce Willis) est un homme dangereux : c’est un homme d’une violence extrême qu’on a enfermé dans une cellule sous terre. Sous terre car depuis fin 1996 un virus a éliminé la quasi-totalité de l’humanité. Les rares survivants sont terrés et attendent la fin de la pandémie. Mais James a une mémoire phénoménale et un sens aigu de l’observation.

C’est pourquoi il a été désigné comme volontaire pour retrouver dans le passé (1) l’origine du fléau à côté duquel la Peste noire fut une maladie bénigne…

 

Evacuons tout de suite : non Terry Gilliam n’a adapté une intrigue originale. Il s’agit d’un remake de La Jetée de Chris Marker (1962). Mais Gilliam s’est tellement approprié l’histoire qu’on croirait vraiment qu’elle est sienne. Il faut dire qu’il l’a traitée de la même façon que ces films précédents. On y retrouve le côté steam punk de Brazil, ainsi que la solitude d’un homme inadapté au monde dans lequel il vit (on le serait à moins…).

Et surtout, le thème du voyage dans le temps est traité d’une manière extrêmement subtile, loin de l’humour de Retour vers le Futur.

 

Il s’agit avant tout d’un paradoxe temporel : il est surtout question d’altérer le passé afin de se créer un autre présent, où la pandémie aurait été contenue, voire totalement enrayée. Mais réduire le film à cela, c’est une des réponses à la question qui se pose à la fin du film : que va-t-il se passer ensuite ? En effet, la mission de James Cole est accomplie, mais on ne peut se prononcer sur une fin heureuse ou pas (2).

 

Terry Gilliam retourne à la science-fiction et nous propose un bijou de cinéma. Le point de vue proposé pendant presque toute la durée du film est celui d’un homme déphasé dans un monde hostile, quelque soit l’époque où il évolue : dans son monde, il est un criminel dangereux qu’on a enfermé ; à chaque voyage en 1990 ou 1996, il est recherché par la police ou interné ; quand il se retrouve en 1917, suite à un bug de la machine, il tombe en pleine bataille, recevant même une balle dans la cuisse.

Les rares fois où on n’a pas le point de vue de James, on a droit à celui de Jeffrey Goines, un véritable malade mental, interprété avec brio par Brad Pitt, loin des rôles de jeune premier qu’on lui connaît. Ou encore celui de Kathryn Railly (Madeleine Stowe, trop rarement à l’écran !) qui, si elle a beau être la psychiatre des deux hommes, n’en commence pas moins à devenir folle par les élucubrations de James.

 

Mais au-delà de l’intrigue fort subtile, c’est la façon de filmer qui donne une dimension autre que le film dont celui-ci s’inspire. Les voyages dans le temps s’accompagnent non seulement d’un choc psychologique pour le voyageur, mais aussi d’une similitude dans les épreuves de James : après une courte expédition d’observation dans le monde du dessus, il est décontaminé et frotté au balai-brosse ; on retrouve un même plan quand Cole est interné, étant cette fois désinfecté par deux infirmiers avant d’intégrer l’asile.

 

De même, quand James voyage dans le temps, un court plan de coupe où les lumières et l’obscurité se mélangent, illustre les sensations (présumées) ressenties par le voyageur : quand James et Kathryn se retrouve en forêt, on retrouve ce même genre de plan-séquence, ajoutant au désordre subi par James, et par extension aux spectateurs. Car jusqu’à la fin la caméra nous trimballe d’un endroit à l’autre et d’une époque à l’autre avec en prime l’insertion des rêves de James où une femme blonde qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la psychiatre (elle est brune) se penche sur un homme mourant dans un aéroport.

 

Alors quand James et Kathryn se retrouvent dans ce même aéroport, et que James y croise un de ses codétenus du futur (3), on arrive à une situation paradoxale où James (et le spectateur) se demande où commence la réalité et où se finit le rêve, qui vire quoiqu’il en soit au cauchemar…

 

Mais heureusement, la dernière séquence remet les choses dans l’ordre sans toutefois répondre à la question susmentionnée…

Un film brillant qui, au-delà de l’aspect temporel nous propose un monde actuel (4) qui, s’il n’est pas souterrain n’est pas beaucoup plus reluisant que le présent de James. Ce ne sont que murs envahis d’affiches, vitrine recouverte d’autres affiches, théâtre abandonné annonciateur de l’apocalypse imminente. Un vrai monde de transition vers le sort funeste annoncé dans l’intertitre d’ouverture du film.

Sans oublier le traitement des patients de l’hôpital psychiatrique, condamnés à jouer – seuls ou à plusieurs – où à regarder une télévision qui, quand elle ne propose pas de s’évader vers un paradis maritime propose les dessins animés déjantés de Tex Avery ou les facéties des Marx Brothers, avec un nouveau clin d'œil au film que nous voyons : Monkey Business (Norman Z. McLeod, 1931).

 

 

  1. Quelques décennies plus tard, sous ce qui fut Philadelphie.
  2. J’ai mon opinion là-dessus et me garde bien de vous la donner…
  3. Qui est pour lui le présent ! Vous suivez ?
  4. Nous sommes en 1995 quand le film est tourné, et à sa sortie, le futur envisagé (fin 1996) est celui des spectateurs !
  5. Les Keys, îles de Floride reliées par un immense pont, sans oublier le sens premier de « key » : la clé, comme si c’était là que résidait la solution de cette intrigue complexe… Et pourquoi pas, d’ailleurs ?
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