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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Robert Bresson, #Prison
Un Condamné à mort s'est échappé (Robert Bresson, 1956)

Lyon, 1943.

Le condamné à mort, c’est Fontaine (François Leterrier). C’est un résistant qui a été arrêté, a tenté de s’évader pour être repris. Torturé, il échoue dans la célèbre et terrible prison Montluc de Lyon.

Il doit s’évader.

 

Fontaine, c’est André Devigny (conseiller sur le film) qui raconte son histoire incroyable dans un livre éponyme que Robert Bresson adapte. Ce dernier nous prévient dès le début : il filme « une histoire véritable, […] sans ornement ». C’est donc avec un noir et blanc très sobre qu’il nous livre cette histoire, comme un témoignage objectif, sans fioriture. Et pendant le film, c’est surtout la voix de François Leterrier que nous entendons, nous partageant ses pensées, ses craintes, et ces petits moments de bonheur, tellement dérisoire pour nous alors que pour lui qui est enfermé, ce sont de grands instants.

 

Tout est sobre : le décor nu de la cellule ou de la prison, les personnages, les rares) échanges (rares) rapides entre les prisonniers tout de suite sanctionnés par un rappel à l‘ordre d’un soldat allemand. Jusqu’à la musique qui vient de temps en temps célébrer telle ou telle avancée : le Kyrie de la Grand Messe de Mozart ouvre et ferme le film, donnant une tonalité encore plus solennelle. A l’instar de cette musique, le son – et donc son absence – est un des éléments les plus importants. La prison est un lieu calme et silencieux, parfois troublé par des soldats qui vont et viennent et rythmé par les rituels : le repas, la toilette, la promenade, mais aussi les trains et les cloches des églises. Alors chaque geste entrepris par Fontaine, chaque action vers une libération amène un bruit amplifié par le silence alentour.

 

On ne sait pas pourquoi Fontaine est là. On s’en doute. Mais de toute façon, ce n’est pas ça qui compte. Ce qui est le plus important c’est l’utilisation du milieu – le matériel, les personnes et les lieux – pour s’évader.

 

Et puis il y a le facteur humain. Les autres détenus, séparés par les cellules mais qui se retrouvent à la toilette pour échanger brièvement quelques phrases ou conseils. Mais tout se fait sans jugement de l’autre. Etant tous des morts en sursis, il n’y a rien à attendre. Alors on respecte ceux qui sont dans la même situation.

Et puis ceux que Fontaine approche :

  • Terry (Roger Tréherne), qui lui fournit les produits de première nécessité : un crayon, du papier, du pain et une lame de rasoir ;
  • Blanchet (Maurice Beerblock) dans la cellule d’à côté. Un homme âgé qui a baissé les bras, mais qui, au contact de Fontaine, va s’ouvrir un peu, ramenant un peu d’espoir ;
  • Jost (Charles Le Clainche), un pauvre môme qui a déserté et qu’on a placé dans la même cellule.

C’est de Jost que Fontaine se méfie : ne serait-il pas un mouchard placé pur lui soutirer des informations ?

 

Si les lieux varient très peu, le temps, lui, est un composant du film lui aussi important. En effet, des ellipses peuvent concerner des périodes très longues comme très courtes. Au bout du compte, la période d’enfermement passe vite, les progrès visibles aidant à faire passer le temps. Et alors que l’évasion en elle-même est l’action la plus courte à accomplir, Bresson joue une nouvelle fois avec le temps pour nous donner une impression de longueur infinie. Il transcrit par là même le sentiment de distorsion du temps qu’éprouvent les gens en situation périlleuse. Le temps d’une cigarette peut sembler durer des heures, et quand on n’a pas toute la nuit, il faut savoir faire des choix.

Mais là encore, pendant cette évasion, rien d’ »extraordinaire. Le moment le plus spectaculaire – l’élimination de la sentinelle – n’est pas montré. On sait que Fontaine le fait, mais on voit rien tout de suite. Seul le corps sans vie, au premier plan alors qu’ils passent nous confirme ce que nous savions.

 

Au final, c’est une évasion sensationnelle qui est traitée froidement, comme un événement banal, une chose qui doit être faite. En cela, le point de vue de Bresson sera rejoint par Jean-Pierre Melville dans L’Armée des ombres : son personnage n’est pas un héros, juste un homme qui a dû faire des choses, parce que l’époque et la situation s’y prêtaient.

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