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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Prison, #Jacques Audiard
Un Prophète (Jacques Audiard, 2009)

Malik El Djebena (Tahar Rahim) a dix-neuf ans. Il est donc en âge d’aller en centrale. Pour avoir agressé un policier à l’arme blanche. En prison, il ne connaît personne, alors les journées sont encore plus longues. Et puis Luciani (Niels Arestrup) s’intéresse à lui : il va le protéger s’il lui rend un petit service.

Le service : tuer Reyeb (Hichem Yacoubi), qui doit témoigner contre la bande de Luciani.

Malik entre alors de plain pied dans ce qu’on appelle « la cour des grands » : meurtrier puis trafiquant. L’ascension sociale, pour une petite frappe.

 

Le titre est presque trompeur : quand on parle de prophète, on pense à la religion. Mais ce prophète est très particulier, parce que malgré son origine maghrébine, il n’est absolument pas religieux. Pire (1) : il mange du porc ! Mais surtout, ce qui le maintient en vie, c’est son contact facile : avec Luciani, c’est le clan corse qui le laisse tranquille ; tout comme les Musulmans le laissent tranquille parce qu’il les aide ; sans oublier Jordi « Le Gitan » avec qui il trafique. Et ça marche. Enfin jusqu’à un certain point (2). Et comme il apprend à lire et écrire en prime, son avenir est assuré. Enfin normalement.

 

Jacques Audiard fait très fort avec ce film qui a décroché une pluie (méritée) de récompenses. Il nous propose un film carcéral très puissant, servi par beaucoup de têtes connues mais encadrées par un vétéran des rôles de la truande : Niels Arestrup. Il y a chez ce dernier des allures de parrain omnipotent bien qu’enfermé (à perpétuité). C’est lui le véritable chef de la prison : d’ailleurs, le directeur est curieusement absent de l’intrigue. Seuls les gardiens ont un rôle (presque) important.

Et bien sûr, ce sont les rapports entre le jeune Arabe novice et son vieux protecteur chevronné qui est au cœur de cette intrigue criminelle. Parce que si Malik n’a pas vraiment d’expérience, il deviendra – à son tour – un criminel endurci (3).

 

Et à mesure que Malik va progresser dans son statut – et dans sa tête – Luciani va décliner.

Tout d’abord parce que Audiard – avec son coscénariste Thomas Bidegain (4) – situe son histoire entre 2005 et 2007, quand le ministre de l’Intérieur n’était pas encore devenu président de la République : les prisonniers politiques corses vont bénéficier d’un nouveau traitement leur permettant de purger leur peine sur l’Ile de Beauté. Alors le groupe de Luciani se rétrécit considérablement, et sa couverture commence à se fissurer. Et pendant ce temps, Tahar traite avec tout les autres, gagnant toujours plus de pouvoir, jusqu’à la chute – inéluctable du vieux gangster.

 

Et la force du film d’Audiard, c’est avant tout soin aspect humain. Non pas parce que les détenus décrits sont des enfants de chœur – certainement pas ! – mais parce qu’il reste toujours au niveau de Malik, nous partageant même sa vision, parfois limitée. Mais n’y cherchez aucune dénonciation, et pas seulement parce qu’il s’agit ici d’une histoire avec des Corses : Audiard, par l’intermédiaire de son chef-op’ Stéphane Fontaine, reste au niveau de son personnage principal et ne s’appesantit pas spécialement sur des brimades et autres mauvais traitements qu’on a l’habitude de voir dans les films carcéraux. Cela n’a rien à voir avec l’intrigue principale qui se concentre sur les relations compliquées voire difficiles – euphémisme – entre les détenus du fait de leurs origines voire de leur religion.

Et si Malik peut survivre ainsi, c’est avant tout parce qu’il n’a aucune attache. En effet, quand il arrive, il ne connaît personne en prison et surtout en dehors : difficile alors de « cantiner ». (5)

Et son ascension n’en sera que plus impressionnante.

 

Mais cela passe donc par le crime, et Audiard reste dans la même lignée. La mort de Reyeb est brutale et même brute pour le spectateur, qui devait pourtant s’attendre à cette violence. Et les autres morts ne seront pas moins crues. Différentes, seulement.

 

Au final, un film sans concession sur l’univers carcéral, interprété avec beaucoup de justesse et de conviction par de nouvelles têtes qui vont faire leur chemin depuis, et d’anciennes qui confirment leur talent. Certes, Arestrup n’était peut-être pas toujours une personne très recommandable, mais sa prestation, ici encore, est absolument remarquable.

 

  1. Question de point de vue…
  2. Je ne vais pas non plus vous raconter la fin !
  3. Non, je ne révèle pas la fin.
  4. D’après une idée originale d’Abdel Raouf Dafri.
  5. Améliorer son ordinaire : cigarettes, produits de toilette, friandise, drogue…
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