1942, entre Tobrouk et El Alamein.
Une histoire d'hommes.
Ils sont cinq. Cinq soldats. Quatre Français et un Allemand.
Après un commando, les quatre Français repartent de Tobrouk, sans leur lieutenant.
En chemin, ils font prisonnier un capitaine allemand, Ludwig von Stegel (Hardy Kruger).
En route vers El Alamein. A moins que ce soit Tobrouk...
« À la guerre, on devrait toujours tuer les gens avant de les connaître. » dit François Gensac (Maurice Biraud).
Et c'est là le nœud du problème : ces cinq hommes se lient malgré la guerre autour. Ce n'est certes pas une grande amitié. Seulement une estime. Celle des gens qui vivent la même épreuve. Qui survivent ensemble à une catastrophe.
Ce ne sont pas des héros, loin de là. Il faut les voir éliminer les Allemands qui se reposent sur le bord de la route pour le comprendre. Pas d'éclat, juste une fusillade rapide, sure. Le seul héros, bien entendu, c'est le lieutenant français qui est mort, laissant orphelins les quatre autres. Alors c'est le brigadier Dudu (Lino Ventura) qui prend les commandes. Mais pas trop non plus.
Nous assistons alors à un road movie où les objectifs ne sont jamais clairs et l'arrivée à El Alamein (ou Tobrouk) semble toujours reportée. Mais Denys de la Patellière ne s'intéresse pas à cet objectif : il se concentre sur les relations humaines entre des hommes en guerre, ennemis, et qui voient leurs certitudes s'ébranler. Beaucoup de silences, de regards, de réflexions dans la tête de ces hommes. Et au bout du compte, on n'a pas avancé. L'Allemand a beau être un ennemi, la traversée du désert les a tous rapprochés. La lassitude aussi, amène cette nouvelle position quant à l'ennemi. Et comme en plus, cet ennemi est avant tout un militaire, il n'y a pas le repoussoir nazi pour accentuer l'idée qu'un bon ennemi est avant tout un ennemi mort.
Mais c'est Samuel Goldman (Charles Aznavour) qui a la réflexion la plus froide et la plus juste quant à savoir qui est un bon Allemand et qui ne l'est pas. Mais de toute façon, le débat se clôt soudainement, sans que rien ne soit tranché.
Bien entendu, ça se termine sur les Champs Elysées, avec le défilé et les flonflon.
Mais le cœur n'y est plus.
Saleté de guerre.
Et puis il y a Michel Audiard. Non seulement il signe l'adaptation avec Denys de la Patellière et René Havard, mais en plus, ses dialogues se boivent comme du petit lait et font mouche à tous les coups :
« Quand on est cintré comme toi, on porte un écriteau, on prévient. Une connerie pareille ça devrait relever du conseil de guerre. » (Lino Ventura)
«Je vais mourir pour la fécondation du désert ! [...] Mon nom va devenir une marque. Une marque d'engrais. Le colonialisme est en pleine évolution ! » (Maurice Biraud)
« Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. » (Maurice Biraud)
«Si les Chinois débarquaient, il se ferait mandarin. Si les nègres prenaient le pouvoir, il se mettrait un os dans le nez. Si les Grecs... oui enfin, passons ! » (Maurice Biraud)
«À mon avis, dans la guerre, il y a une chose attractive : c'est le défilé de la victoire. L'emmerdant, c'est tout ce qui se passe avant. » (Charles Aznavour)
La musique enfin. Un seul thème, répété à l'envi, musical ou chanté, mais toujours le même : Les Anges dans nos campagnes, chant de Noël entêtant. Difficile de ne pas le fredonner une fois le film terminé... Mais c'est normal, le film commence à Noël 1941...
Quatre ans après, Ventura, Aznavour et Biraud se retrouveront pour une autre « Audiard-Party », mise en scène par celui qui n'est ici que l'assistant de La Patellière : Pierre Granier-Deferre. Ce sera la Métamorphose des Cloportes.
Tout un programme...