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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Cecil B. DeMille
Pacific Express (Union Pacific -Cecil B. DeMille, 1939)

Pour les petits Français que nous sommes, et surtout ceux de 1940 (1), la compagnie Union Pacific (UP) ne veut pas dire grand-chose, alors mes amis traducteurs ont jugé préférable de garder le terme Pacific et de lui accoler un terme plus parleur et un brin racoleur, Express. Pourtant les engins que nous voyons arpenter ma voie ferrée ne sont pas spécialement rapides, puisque les chevaux vont plus vites qu’eux !

Quoi qu’il en soit, la UP est donc la compagnie qui se chargea d’amener le train vers l’Ouest, pendant que la Central Pacific l’amenait vers l’Est, pour se rencontrer à Ogden – au début – ou plutôt à Promontory Point lieu mythique de rencontre des deux locomotives, ce lundi 10 mai 1869. C’est d’ailleurs le même clou que 70 ans plus tôt qui a servi à la jonction…

Bref, après les légendes de l’Ouest Calamity Jane (Jean Arthur) et Wild Bill Hickock (Gary Cooper) dans The Plainsman, voici l’épopée du chemin de fer, quinze ans après le chef-d’œuvre de John Ford, Le Cheval de fer.

Et il est clair que non seulement DeMille a vu le film de Ford, mais surtout qu’il a beaucoup aimé le microcosme créé par cet autre maître du cinéma. Mais nous sommes chez DeMille et l’ambiance familiale qui règne chez Ford ne se retrouve pas ici. Même s’il y a tout de même beaucoup d’Irlandais !

 

Lincoln est donc mort mais son vœu perdure : le chemin de fer va continuer. Bien entendu, cela ne plaît pas à tout le monde, et en particulier à Asa M. Barrows (Henry Kolker) qui mise sur la Central. Il va donc engager un desperado pour l’aider à saboter l’avancée de l’UP. C’est Sid Campeau (Brian Donlevy, spécialiste des rôles de méchant) qui va s’en charger, amenant avec le train des sources de plaisir qui vont fortement ralentir la progression.

Le général Dodge (Francis McDonald) fait alors appel à Jeff « Bucko » Butler (Joel McCrea) pour « sécuriser la ligne », comme on dit de nos jours. En clair : se débarrasser des voyous – et donc de Campeau – par tous les moyens possibles, définitivement s’il n’y a pas d’autre choix.

Mais le second de Campeau n’est autre que l’ancien frère d’armes (la Guerre Civile s’est arrêtée peu de temps auparavant) de Bucko, Dick Allen (Robert Preston).

En prime, Allen est amoureux de  Mollie Monahan (Barbara Stanwick), la fille du conducteur de la locomotive (J.M. Kerrigan). Mais Mollie n’a d’yeux que pour Jeff…

 

Ce nouveau retour au western de DeMille est encore plus brillant que le précédent. Il faut dire que Cecil réussit ici un film parfaitement équilibré : entre l’épopée historique, la comédie et l’inévitable tragédie, le tout mâtiné des codes du western, c’est un régal que de passer ces 135 minutes le long de la voie ferrée. Nous avons même droit au duel final qui, s’il ne se passe pas au (ou sous le) soleil, reste tout de même un duel marquant avec une résolution presque inattendue !

Comme nous sommes chez DeMille, et malgré le résumé ci-dessus, c’est encore une fois la femme qui tient le haut de l’affiche. Et Barbara Stanwick prend son plus bel accent irlandais pour camper cette jeune femme un tantinet délurée, dont le seul intérêt reste le chemin de fer : normal, c’est dessus qu’elle a grandi !

Alors oui, Joel McCrea et Robert Preston sont une très belle garde d’honneur pour elle, mais elle demeure l’élément central de l’intrigue, relançant à chaque fois cette dernière pour arriver à cette fin, attendue, certes, mais tellement logique.

 

Parce que de nouveau, DeMille, à l’instar de Dick Allen, ce joueur invétéré, sort de sa manche la carte inévitable (elle aussi) de la rédemption. C’est d’ailleurs ce même Dick Allen qui va en profiter : normal, il en avait bien besoin. De toute façon, Campeau est irrécupérable, et comme c’est Brian Donlevy, on n’est pas étonné, encore une fois, de lui voir faire les frais de ce salut (moral) final.

D’ailleurs, Donlevy est encore une fois à la hauteur de l’enjeu, annonçant (toujours) le personnage de Bradwell dans Le Fil qui chante de Morris & Goscinny.

Mais là ne s’arrête pas l’évocation des bandes dessinées. En effet, la première aventure de Lucky Luke scénarisée par René Goscinny avait pour thème l’évolution de la ligne de chemin de fer de la UP. Et le cow-boy solitaire n’est pas sans rappeler Bucko Butler, l’amour de la femme en moins, cela va soi. Même l’intrigue de album reprend certains éléments du film, dont le personnage qui enfonce le clou, le presque infâme Barrows.

 

Mais DeMille épargne ce commanditaire peu scrupuleux grâce à une formidable trouvaille : un duo de choc qui va épauler le justicier : Leach Overmille (Lynne Overmann – tu parles d’un nom de personnage !) et Fiesta (Akim Tamiroff). Ils sont absolument dissemblables mais totalement inséparables, se complétant à la perfection dans leurs rôles de seconds du chef. Et si Fiesta est plutôt le comique des deux larrons, il n’en demeure pas moins dangereux et craint.

Et ce duo – improbable – me ramène encore une fois à la bande dessinée : ne cherchez pas plus loin les modèles de Redi Neck et McClure, les deux acolytes de Blueberry (de Gir et Charlier) : ils sont là. Et l’analogie est d’autant plus forte que les deux partenaires de Blueberry lui sauvent la mise plus d’une fois !

 

Bref, avec ce western, DeMille nous montre toute l’étendue de son talent du genre, secondé par une distribution magnifique pour nous faire revivre un moment historique et rassembleur des Etats-Unis. Et ça tombe bien, parce que les nuages s’assombrissent en cette fin de décennie : l’Amérique – enfin une grosse partie des Etats du Nord du continent – ont bien besoin de se sentir « unis » et de mériter cette appellation !

 

  1. Le film est sorti l’année suivante en France…
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