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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Carl Theodore Dreyer
Vampyr (Carl Theodor Dreyer, 1932)

Une cloche sonne. C’est un paysan portant une faux qui la fait tinter. Il est de dos. Il n’en faut pas plus pour le jeune David Grey (Julian West* qui coproduit le film), féru de sciences occultes, et de vampires en particuliers, pour voir dans cet homme une figure mortuaire. Et si cet homme, en sonnant la cloche, ne fait qu’appeler le bac afin d’aller de l’autre côté de la rivière, le spectateur, à son tour, fait la corrélation avec Charon, le passeur d’âmes de la mythologie grecque.

 

Nous sommes à Courtempierre (nord-est du Loiret), où David Grey s’est un tantinet égaré. Il entre dans une auberge où un homme lui confie un paquet à ouvrir après sa mort. Et comme l’homme meurt, il l’ouvre.

C’est un livre sur les vampires dont un extrait se passe exactement où il se situe. Le sort s’acharne décidément sur ce village puisque Léone (Sybille Schmitz), une jeune femme, a été mordue par un vampire. Il s’agirait de la vieille Chopin (Henriette Gérard), une femme maudite qui fut enterrée sans les sacrements.

 

Alors que Browning sort son Dracula, Dreyer reprend à son tour une histoire de vampire où le rêve et la réalité se mêlent étroitement. De ce fait, Dreyer nous promène dans une histoire qui nous fait (presque) toujours douter de sa véracité : se passe-t-il réellement ce que nous voyons ? Ou est-ce le fruit de l’imagination de Grey ?

A moins que ce ne soient un peu des deux…

 

Il règne sur ce film une atmosphère de mystère permanent. Certes, le fait qu’un incident technique ait altéré l’image involontairement y fait pour beaucoup** mais ce sont surtout les différentes pistes qui s’ouvrent à David Grey et donc au spectateur (qui se retrouve à la place de ce dernier par l’utilisation d’une caméra subjective) qui accentuent le côté mystérieux.

Ce sont des événements épars mais inexplicables qui donnent le ton : des ombres autonomes qui rejoignent leurs propriétaires ou se baladent tranquillement dans la nature ; des portes qui s’ouvrent et se ferment toutes seules ; des crânes dont l’un se tourne vers nous…

 

Avec ce film tout en atmosphère, Dreyer passe – doucement – au parlant. Certains sons sont amplifiés, quelques paroles sont échangées, mais on a toujours recours aux intertitres pour expliquer certaines parties. Cette utilisation parcimonieuse du son rappelle par certains points Extase, où la parole n’est pas importante. Ici, elle l’est un peu plus, donnant un aspect plus terrifiant aux événements qui se succèdent.

 

Mais c’est avant tout l’utilisation de l’éclairage qui fait de ce film une œuvre inoubliable. Outre les ombres autonomes (voir ci-dessus), les passages de l’ombre à la lumière (et inversement) créent cette atmosphère propice à l’épouvante. Et en cela, on retrouve certains effets du Nosferatu de Murnau. Mais si Murnau utilisait un vampire qui agissait (tout comme Browning), ici nous ne voyons que les effets du vampire, jamais la morsure fatale.

Et tout comme Dracula avait son Renfield, le vampire ici a son aide : le docteur (Jan Hieronimko), qui comme son maître, sera châtié, bien entendu. Et alors que la mort est toujours symbolisée par la couleur noire, celle du docteur est blanche***.

 

En plus de l’intrigue, Dreyer maîtrise sa technique, alternant des plans d’ensemble et une caméra vivante (travellings, panoramiques, caméra subjective) qui favorise l’identification du spectateur en David Grey : la seconde scène de rêve (la plus longue) est une suite de champs (caméra subjective) et contre-champs (le visage de Grey) de toute beauté. Et l’utilisation des surimpressions donnent une valeur prémonitoire à ce rêve, où Grey n’est que l’ombre de lui-même, ce qui ne l’empêche pas d’agir sur les éléments alentour. Un grand moment.

 

 

* de son vrai nom : Baron Nicolas Louis Alexandre de Gunzburg (1904-1981)

** A l’origine, ce n’était pas fait exprès. Mais il ne faut jamais oublier la part de chance dans le talent. A moins que ce soit surnaturel…

*** Je n’en dis pas plus, je vous laisse découvrir

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