Bette Davis.
Joan Crawford.
Deux monstres sacrés. Deux sacrés monstres.
1917. « Baby » Jane Hudson (Julie Allred) est une petite fille très talentueuse mais aussi très capricieuse. Blanche Hudson (Gina Gillespie), est juste blanche, sa sœur, un tantinet jalouse du succès et des crises de sa petite sœur (1).
1935. Blanche Hudson (Joan Crawford) est une actrice éblouissante, une véritable star. Dans le même temps, « Baby » Jane est une actrice sans grand talent, dont le dernier film ne sera même pas exploité.
Un soir, alors que les deux sœurs rentrent chez elles après une soirée très arrosée, l’une d’elle descend ouvrir la grille pendant que l’autre embraye pour l’écraser.
196? Jane s’occupe de sa sœur Blanche, paralysée suite à l’accident.
C’est la seule fois que les deux grandes stars se retrouvent dans un même film. Avec en prime une légende qui les fait se détester l’une et l’autre. Ce n’est pas exactement vrai, ni tout à fait faux. Mais force est de constater que ce sont deux des plus grandes actrices de Hollywood, et que leurs prestations – et surtout celle de Bette Davis – sont extraordinaires.
Robert Aldrich réussit, avec ce film à réunir deux légendes, à les diriger sans qu’elles se battent, et surtout en assumant leur âge. Si Crawford semble moins abimée que Davis, c’est avant tout parce qu’elle n’a pas voulu en rajouter. Alors que Davis s’est elle-même confectionnée cette trogne : trop maquillée, usée, vieille.
L’antagonisme entre les deux sœurs qu’on aurait tort de transposer dans la vraie vie, n’est crédible que par le (sur ?)jeu des deux actrices. Et au-delà de cet antagonisme, c’est de la vieillesse et de la déchéance qu’il est question.
Pour Blanche, sa vie depuis l’accident se résume à déambuler grâce à un fauteuil roulant, attendant les repas servis par sa sœur, avec de temps en temps une bouffée de nostalgie quand la télévision rediffuse ses anciens chefs-d’œuvre.
Pour Jane, c’est avant tout son enfance qu’elle regrette, et son idée insensée (et désespérée) de reprendre un tour de chant comme avant, près de 45 ans plus tôt, est complètement absurde : sa prestation de vieille femme donne une dimension pathétique à son personnage qui n’est pas loin de sombrer dans la folie. Et Edwin Pragg (Victor Buono qui n’est pas encore le Comte Manzeppi des Mystères de l’Ouest), sent que cette femme n’est pas bien dans sa tête, mais l’appât du gain est le plus fort.
Alors nous suivons, impuissants, cette montée de l’horreur jusqu’au dénouement final où Jane se révèle d’un sadisme assez malsain, torturant celle qui est sa sœur, mais que la responsabilité de l’accident a obligée de s’en occuper.
Parce que le nœud de l’intrigue est là : l’accident dont Jane endossa la responsabilité est ce qui les lie dans leur présent. Cet épisode douloureux l’est à deux niveaux :
- pour Blanche, c’est la fin brutale de sa carrière éblouissante ;
- pour Jane, c’est un épisode de sa vie dont elle ne veut plus entendre parler, qu’il lui est pénible d’évoquer, et qui, pour elle aussi, marque la fin de sa carrière – qui aurait été minable, certes, mais peut-être aurait-elle pu être une autre personne.
Alors que s’est-il vraiment passé, pendant cet accident dont nous ne voyons aucun visage ?
- Eu égard aux âges respectifs des deux actrices, c’est Joan Crawford qui était la plus âgée.