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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Lois Weber
Où sont mes Enfants ? (Where are my Children? - Lois Weber, 1916)

Le procureur Walton (Tyrone Power Sr., le père de) est un homme heureux mais insatisfait. Depuis le temps qu’il est marié, son épouse (Helen E. Reaume, femme du précédent) ne lui a pas encore procuré la joie de mettre au monde un enfant.

Au contraire, à plusieurs reprises, elle a usé des bons services du Dr. Malfit (Juan de la Cruze), spécialiste pour faire « passer » les enfants.

Mais nous sommes en 1916, et la Loi n’est pas la même que de nos jours (parfois on se le demande…).

 

Lois Weber réalise un film engagé comme peu de gens le faisaient à la même époque (1) : non seulement elle aborde le sujet tabou et diabolisé de l’avortement, mais elle justifie dans sa séquence d’ouverture le contrôle des naissances. En clair : la contraception.

Il y a chez Mrs Weber une volonté réformiste en justifiant le contrôle des naissances sous un aspect pseudo-religieux : enfants à  naître – voulu ou non – sont présentés comme des anges, à mi-chemin entre la divinité et l’humanité. On aperçoit alors une réplique des portes du Paradis qui s’ouvrent dans un sens ou dans l’autre en fonction d’une naissance (plus ou moins désirée)

 Ou d’un « passage ».

Mais dès l’ouverture, nous connaissons les sentiments de Lois Weber. Elle soutient son argumentaire en montrant des scènes – malheureusement toujours d’actualité – où des familles ne cessent de croître alors que ces naissances multiples non désirées amènent une violence de plus en plus forte : chez les parents puis, par ricochet, chez leurs enfants.

 

Quand nous découvrons le procureur Walton, il assiste à un procès où l’accusé est de toute évidence victime de son extraction : enfant non désiré, sa seule façon de se faire remarquer – auprès de ses parents voire de la société – est d’enfreindre la Loi.

Mais si Walton est conscient de ce facteur, il n’en demeure pas moins, de par sa position, un accusateur des idées sexuelles progressistes, la contraception.

Il y a, lors du procès d’un de ses porte-paroles, comme une espèce de conflit d’intérêt. Avec force images, Lois Weber nous montre en quoi cet homme a raison : contrôler les naissances amènerait un moindre gâchis humain.

Mais d’un autre côté, Walton est en proie à une autre tendance nataliste : l’eugénisme théorie en vogue avant la seconde guerre mondiale et ses abus par les nazis et autres extrémistes dont la « pureté » de leur « race » a amené des dérives mortifères (2). En effet, sa sœur et son beau-frère ont conçu un « magnifique » bébé…

 

Dès l’ouverture, Lois Weber prévient les spectateurs (à moins que ce soit l’organisme qui a aidé à la restauration du film) : cde film est « pour adultes ». Les théories et propos qui y sont tenus ne s’adressent pas aux enfants. MAIS : si, par hasard (3), des parents venaient accompagnés de leurs enfants (leurs filles en particulier ?), ce film ne leur serait que très bénéfique.

 Oui, Lois Weber, en réalisant ce film prend – encore une fois mais malheureusement trop rarement, surtout à cette époque – pour les femmes.

Son idée n’est pas de céder à l’eugénisme où seuls les plus forts (beaux, intelligents…) survivront.
Si Walton condamne le théoricien, il n’en condamne pas moins sa femme qui par complaisance – et par intérêt – a fait passer des enfants (pour elle et ses copines).

 

Et si le film s’achève sur la question titulaire, elle n’y répond pas pour autant : il était impensable d’encourager ouvertement la « contraception » (jamais nommée dans le film) mais on ne peut s’empêcher de penser que les intrigues auxquelles nous assistons expriment un immense gâchis où l’humanité ne sort pas grandie.

Quoi qu’il en soit, et malgré le propos militant du film, Lois Weber termine son film en accentuant la question que pose le titre du film : où sont [les] enfants ? ».

 

On a alors le couple Walton qui, prostré devant la cheminée, vieillit ; leurs enfants virtuels en surimpression viennent se lover contre leur « presque » père et grandissent « presque » avec eux – toujours en surimpression – alors que le film se termine, devant cet échec retentissant et qui, au bout du compte, n’a pas réussi à séparer ces « presque » parents.

 

 

  1. Si véhiculer le message des ligues de tempérance ou de morale est « engagé », alors le film de Mrs Weber est difficilement qualifiable : « sur-engagé » me semble un euphémisme.
  2. En France (mon pays : personne n’est parfait et je préfère me considérer comme un Citoyen du Monde), il semble qu’Alexis Carrel, fervent partisan voire théoricien de l’eugénisme ait encore des rues ou avenues et autres boulevards à son nom dans certaines villes de France (j’ai les noms !). Au nom de quoi peut-on encore conserver dans la toponymie urbaine actuelle un élément ouvertement pronazi ? Mais je m’égare.
  3. Ironie ?
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