Cinq ans à crever de faim.
Trois ans de prison pour un vol qu’elle n’a pas commis.
Voilà ce qu’a rapporté à Mary Turner (Norma Talmadge) de travailler pour le grand magasin du riche Edward Gilder (Joseph Kilgour).
Elle lui a promis de se venger de lui quand elle en sortirait.
Alors quand elle sort…
Un film de femmes.
Norma Talmadge, servie par Frances Marion, le tout dirigé par Frank Lloyd (on ne peut pas tout avoir…).
Huit ans avant Ladies of the big House, Frances Marion s’inspire ici d’une pièce basée sur une erreur judiciaire, mais où le bon droit (et la justice) triomphe à la fin. En effet, cette issue heureuse est prévisible : c’est tout de même Norma Talmadge qui produit le film.
C’est pour nous spectateurs, près de cent ans après, le plaisir de voir (ou revoir si vous êtes comme moi) une actrice qui fut vite oubliée (encore une) avec l’avènement du parlant, mais qui possède un regard merveilleux et un jeu très juste. Il y a de l’intensité dans son regard ainsi que de la tristesse, le tout parfois dans une même scène. Elle pas de l’un à l’autre avec merveille… Oui, j’ai un faible pour elle. Elle passe aisément de la dureté à la mélancolie avec brio. C’était une grande.
Encore une fois, le personnage de Mary Turner est un personnage de femme forte, comme l’était Mary Pickford dans Le Signal de l’amour. C’est une femme qui, en plus de sa force de caractère est intelligence. Ayant compris que la justice était à deux vitesses, elle se débrouille pour mener des activités à la limite de la légalité. Si elle a été condamnée à la prison, c’est avant tout parce qu’elle était une femme, exploitée par un magnat de la distribution, et surtout qu’elle était pauvre. Un article lui révélant les deux vitesses de la justice : celle des riches et celle des pauvres.
Elle va donc exploiter les faiblesses des riches – un vieux libidineux comme le général Hastings (Tom Ricketts) – en leur faisant payer leurs écarts, le tout sans être taxée de chantage, en restant « dans le cadre de la Loi », comme le dit si bien le titre original.
On peut d’ailleurs se demander si la personne qui a traduit le titre en français a vu le film, pour nous proposer un titre qui va autant à l’encontre de l’original*…
A ces côtés, deux personnages qui méritent le détour : Garson (Lew Cody), un petit truand qui la sauve de la noyade et du désespoir, et Aggie (Eileen Percy), ex-codétenue qui la recueille et le remet en selle. Garson est le personnage expiateur du film (Ah, les Américains et l’expiation…) : c’est lui le mauvais garçon (amoureux de Mary, mais qui ne le serait pas ?) qui tue et qui doit payer pour ça. Mais il le fait de façon grandiose, un peu comme le sacrifice d’un héros : il reconnaît les faits pour sauver celle qu’il aime d’un amour unilatéral.
Quant à Aggie, c’est le pendant comique du film, une sorte de faire-valoir de Mary. Cette dernière essaie, pour réaliser son dessein, de la transformer en lady (ou ce qui s’en approche), mais comment lutter contre une femme qui mâche compulsivement des chewing-gums ?
* Décidément, j’aurai toujours du mal avec ces traducteurs à la petite semaine. On a bien raison de dire, en voyant certaines propositions : « Traduction = Trahison ».