Vingt ans après Famke Janssen, c’est au tour de Sophie « Sansa » Turner d’interpréter le rôle terrible de Jean Grey, surnommée « Dark Phoenix », surtout après les terribles événements du X-Men III (2006), dont d’ailleurs on retrouve certains échos, ce qui me semble tout à fait normal.
On y retrouve aussi un mélange des personnages de la trilogie précédente (avec Xavier (James McAvoy) et Erik « Magneto » Lehnsherr (Michael Fassbender), mais aussi quelques vieilles connaissances de la trilogie « originale » entamée par Bryan Singer.
Mais c’est peut-être ce mélange qui mine ce film, confirmé par un succès ders plus mitigés lors de son exploitation en salle (1).
En effet, on ne sait pas comment se positionner par rapport à ce film et surtout par rapport à la place qu’il doit prendre dans la saga qui va fêter ses 20 ans.
En effet, si on retrouve certains personnages et ce malgré les décalages déjà visibles dans l’épisode précédent – X-Men : Apocalypse (2016) – un élément de l’intrigue chamboule tout ce que l’on sait : la mort de Raven/Mystique (Jennifer Lawrence).
Mais surtout, on a du mal à retrouver celle qui fut notre Jean Grey pendant les premières années : certes, elle a mal terminé, mais du fait des ses (trop) grands pouvoirs, c’était un mal nécessaire qu’elle-même reconnaissait.
Certes, Sophie Turner est une Jean Grey très appréciable et son expérience en tant que Sansa Stark dans Game of Thrones la prédisposait à un nouveau rôle de femme (très) forte, et de ce côté-là, pas de souci.
C’est plus dans l’intrigue que le malaise s’installe qui va d’une certaine façon déséquilibrer le film et l’emmener loin des préoccupations premières des X-Men et d’une certaine façon ce qui était leur raison d’être : la coexistence pacifique avec les non-mutants et la reconnaissance des mutants comme des citoyens à part entière dans la société (américaine, cela va de soi).
Et Simon Kinberg, qui réalise ici cet épisode, occulte cet aspect relationnel humain/mutant au profit du spectacle, tout comme l’avait fait en son temps Brett Ratner en tournant X-Men III, sur un scénario du même Simon Kinberg (tiens, tiens…).
Alors oui, des éléments se répondent entre ces deux films, mais là encore le visuel l’emporte sur le fond, la menace devenant ici des créatures venues d’ailleurs, menées par la belle et dangereuse Vuk (Jessica Chastain), en quête du pouvoir incommensurable de Jean Grey/Phoenix.
En effet, si la différence humains/mutants reparaît à un moment, ce n’est pas vraiment cela qui intéresse Kinberg. Et on pourrait le comprendre au vu des très belles images qui nous sont proposées : l’affrontement final (il y en a toujours un, qu’on le veuille ou non) est époustouflant, le montage très (trop ?) dynamique accentuant la vitesse déjà présente du fait du train qui sert de décor à cette péripétie.
Bref, on en a plein les yeux, mais il manque tout de même cette dimension humaine qui était l’une des bases de films de Bryan Singer.
Alors, que X-Men : Apocalypse ait redistribué les cartes du fait du « paradoxe temporel » (2) passe encore, mais qu’on passe à la trappe la notion de différence plus ou moins assumée par les différents personnages a une petite tendance à me gêner.
Même notre ami Magneto a perdu de ses convictions un tantinet extrêmes – convictions qu’on retrouve grandissantes chez Raven/Mystique avant sa disparition, d’ailleurs – et perd par là-même un peu de sa consistance. Il est toujours aussi puissant, mais il lui manque ce qui faisait son identité propre : son engagement (physique et moral) un tantinet extrémiste comparé aux valeurs plus tolérantes de Charles.
Je terminerai en parlant de deux éléments qui font écho au fameux X-Men III et qui me semblent – au moins pour le premier – très pertinents quand on les ramène au niveau général de la saga :
[NB : si vous ne voulez pas connaître la fin du film, arrêtez tout de suite et revenez demain ; Les autres, suivez-moi !]
- Alors que Jean et Vuk s’affrontent dans un combat qui verra avec la vainqueure la fin de notre monde (si c’est Vuk) ou la continuation (si c’est l’autre, donc), c’est l’amour qui va sauver le monde (3) : Jean va s’éloigner avec son adversaire afin de protéger (et sauver) ses amis, ou plus justement sa « famille ». C’était déjà ce qu’il s’était passé lors de XMen III : Wolverine fut le seul capable de résister à Dark Phoenix et donc la tuer. Et déjà là, c’était une histoire d’amour : la tuer, c’était avant tout la libérer d’une force qui la dépassait et la faisait souffrir, ne pouvant plus aimer les deux hommes de sa vie (Logan et Scott).
- La fin (finale, après il n’y a plus rien) voit Charles et Erik commencer une partie d’échecs, à la terrasse d’un café parisien (4), tout comme Erik/Magneto s’était retrouvé seul devant un échiquier à la fin du film de 2006.
- 50 petits millions de bénéfices sur les 220 attendus…
- De plus, cela permet un « reboot » sans avoir à justifier quelque incohérence apparente de l’intrigue au vu de la saga dans son entier : « oui, Mystique ne mourait pas en 1992 (année de l’intrigue de ce film), mais comme Apocalypse a modifié le continuum espace-temps, tout devient possible. » Même que Charles (Patrick Stewart) et Erik (Ian McKellen) n’aillent plus chercher Jean Grey, pendant qu’un des voisins arrose son jardin (Stan Lee dans X-Men III).
- Je sais, c’est un cliché on ne peut plus rebattu…
- Clin d’œil un tantinet mielleux pour les francophones et autres francophiles : le café est celui des « vieux amis », à l’angle de la Rue de la Paix. On ne peut pas faire plus clair, non ?