Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Claude Lanzmann
Shoah - Episode 2 (Claude Lanzmann, 1985)

« Auschwitz, c’était l’usine […] Treblinka, c’était la manière primitive […] Sobibor, c’était le laboratoire […] »

 

Deuxième partie du (long) documentaire de Claude Lanzmann, il s’agit ici de l’exécution de ce qui fut appelé la « solution finale ». Cette solution n’était jamais nommée pour ce qu’elle était vraiment : l’anéantissement des Juifs d’Europe. En effet, les Nazis utilisaient des termes édulcorés pour décrire leur entreprise de mort à très grande échelle.
Et c’est Raul Hilberg qui nous amène une partie de l’explication de ces termes : le processus mis en place par les cadres nazis afin de tuer tous les Juifs relevaient d’une pratique assez nouvelle. Mais au-delà de la terminologie, ce qui transparaît dans cet épisode, c’est le mensonge, rapidement éventé, des Nazis quant au sort inéluctable des Juifs.

 

Je ne veux pas dire que tuer les Juifs était une idée nouvelle, certainement pas. Mais la façon dont ce fut conçu l’était. En effet, les Juifs ont toujours été persécutés : quand ils n’étaient pas tués, soit ils devaient se convertir et donc restaient (il n’étaient plus considérés comme Juifs), soit ils devaient s’en aller. Cette deuxième solution marque la première étape du processus des Nazis. Mais la deuxième étape – nouvelle – commença à l’hiver 1941-42. Le massacre s’organisait afin de gagner du temps, les arrivages devenant de plus en plus important comme on l’a vu dans l’épisode précédent.

 

On ne parle pas encore beaucoup de chambre à gaz (à part un témoignage d’Auschwitz), mais plutôt de camion à gaz. Mais si deux anciens Nazis nous expliquent le fonctionnement dans les camps, ou la procédure pour amener les victimes à la mort, Claude Lanzmann et sa traductrice vont interroger les habitants des villes où étaient amenés les Juifs avant d’être tués (surtout Chelmno, où furent tuées 400.000 personnes).

Et là encore, il ne se permet aucun commentaire. La parole des témoins – polonais – nous est livrée crue, brute, terrible.

 

Parce que le plus terrible, c’est que ces gens ne sont pas, au fond, trop malheureux qu’il n’y ait plus de Juifs chez eux. Oui, ils trouvaient cela malheureux, mais il manque tout de même l’émotion qui devrait encore les saisir, s’ils étaient absolument sincères. Mais ce qui ressort tout de même, ce sont les préjugés rebattus sur le judaïsme : « les Juifs étaient malhonnêtes… ils étaient riches… ils ont fait crucifier le Christ… »

 

Et au milieu de ces « raisons », on retrouve l’un des deux rescapés du massacre : Simon Srebnik – 13 ans au moment des faits – qui était une sorte de mascotte des Nazis car il chantait leurs chansons. Srebnik est silencieux, fume une cigarette et écoute ces « braves gens » raconter ce qu’ils voyaient, et leur plaisir de le revoir vivant. C’était le seul dont ils se souvenaient, même si d’anciens compatriotes juifs – des gens qu’ils côtoyaient – ont

 aussi été massacrés. Son visage se fend très rarement d’un très léger sourire, dû à l’atmosphère du moment, mais on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il pense de ces gens à ce moment précis.

 

Claude Lanzmann, dont le rôle est de faire parler les gens, sort par deux fois de ce rôle pour lire la lettre d’un  rabbin et pour remettre Chelmno dans son contexte. Rien de plus. Une autre fois, il n’arrive pas au résultat escompté. C’est dans une brasserie où le patron refuse de lui parler (« j’ai mes raisons » dit-il), et encore plus quand il lui montre la photo d’un responsable sous les ordres duquel il était.

 

Et le documentaire se poursuit, montrant le théâtre de ces massacres dans son apparence actuel, parfois aménagé comme lieu du souvenir, parfois transformé (une synagogue est devenue un magasin de meubles), mais toujours sans document d’archive, la parole étant la seule source d’information.

 

A l’écoute de ces témoignages unanimes, comment peut-on encore croire ceux qui dis(ai)ent : « on ne savait pas » ?

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog