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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Politique, #Drame, #Teddy Lussi-Modeste
Pas de Vagues (Teddy Lussi-Modeste, 2024)

Julien Keller (François « D’Artagnan » Civil) est professeur de français au collège Paul Eluard. Suite à un début d’étude du poème de Ronsard Pour Cassandre (1), il se retrouve accusé par une élève – Leslie (Toscane Duquesne) Reynaud – de l’aguicher, voire de lui faire des avances.

La famille est avertie, famille dirigée par le frère aîné (Armindo Alves de Sa) du genre brutal, et le cauchemar commence, avec menaces de mort à l’appui.

Mais Julien est fonctionnaire d’état alors il peut compter sur sa hiérarchie pour le soutenir. Enfin il devrait, parce que cette histoire malencontreuse n’est pas une bonne publicité pour l’établissement et son principal (Francis Leplay) qui préfère attendre de voir ce qu’il va se passer avant de prendre une décision : surtout, ne pas faire de vagues…

 

Voilà déjà vingt ans que Teddy Lussi-Modeste traîne sa bosse dans les milieux cinématographiques et enfin, on entend vraiment parler de lui (2) ! Il faut dire que son dernier film a de quoi faire parler, contrairement à son titre emprunté à une tendance qui s’est épanouie dans l’Education Nationale…

De bout en bout, son film et ses différents interprètes sont absolument justes. Tout est plus que plausible. Et pour cause : Teddy Lussi-Modeste est parti de sa propre expérience en tant que professeur de français, injustement accusé de harcèlement par une élève de treize ans.

On trouve dans ce film non seulement les relations professeurs-élèves inévitables mais aussi toutes les autres qui ont tendance à être éludées quand on parle du métier d’enseignant (3) : avec les parents, la hiérarchie et les collègues.

 

Et c’est surtout là que ces vagues ont tendance à se créer : une sorte d’effet papillon contre lequel on ne fait rien. La rumeur, c’est le premier battement d’aile du papillon, il suffit qu’elle soit relayée opportunément et elle devient la tempête décrite par Don Basilio (Le Barbier de Séville, G. Rossini). Et ces relais funestes sont tous contenus dans les relations énoncées ci-dessus.

Et dans le cas de Julien s’ajoute une composante importante : son homosexualité. Parce que si la société dans son ensemble accepte plus les homosexuels qu’autrefois (4), cela ne concerne pas tous les individus : les homophobes sont très nombreux, encouragés de surcroît par certains religieux que je ne nommerai pas, vous le ferez vous-même.

Et cette homosexualité est ici un élément central dans la perception des autres de sa personnalité : on passe de la moquerie des élèves à l’indignation d’une collègue, Claire (Emilie Incerti Formentini), voire la menace du frère de Leslie à l’encontre de ce professeur.

 

La moquerie des élèves pourrait se comprendre : adolescents, le rire est avant tout une protection, surtout à un âge où on se cherche et où l’homosexualité peut-être une tentation quand elle n’est pas une réalité difficile à assumer face au regard de l’autre.

Mais l’attitude de la collègue est, à mon avis, inadmissible. Tout comme les reproches des autres collègues – pas si tendres que ça – qui ne comprennent pas (ou ne veulent pas comprendre, choisissez ; pour ma part, c’est fait) que Julien ait gardé pour lui son orientation sexuelle. C’est d’ailleurs lors de ce coming out forcé qu’ils se révèlent : ils ne le voient plus de la même façon et cette orientation devient un nouvel élément à charge contre lui. On comprend alors sa réticence à en parler.

Les parents enfin, ajoutent à ce climat délétère et suspicieux. En effet, entre celle qui commente sur son téléphone aux autres parents la sortie à laquelle participe Julien et une autre qui encourage sa fille à noter toutes ses interventions en cours, comment rester serein ?

On ne peut pas.

Et puis il y a l’Administration, à travers le principal, qui ne bouge pas. Au contraire, elle freine les velléités de l’enseignant en espérant que tout va se tasser, avec en prime une suspicion envers ce même enseignant. Si le principal ne lui dit pas qu’il l’a bien cherché (refrain très connu), il le reconnaît tout de même coupable d’une certaine façon de cette situation, occultant la réalité.

 

Parce que la réalité de cette situation, c’est avant tout une injustice flagrante née d’une volonté de nuisance avérée mais qui, malheureusement ne possède pas de véritable solution : il est plus facile d’accuser – ou de laisser accuser – un professeur plutôt que de s’attaquer au véritable problème qui gangrène l’Ecole depuis plusieurs décennie : la parole libérée plus ou moins délibérée. Moins ici pour Leslie, qui est entraînée dans cette situation par les véritables coupables (je ne vous dirai pas qui !). Beaucoup plus pour celle qui a amené la mort de Samuel Paty voici maintenant plus de trois ans.

 

Alors, à quand une vague ?

 

  1. « Mignonne, allons voir si la rose… »
  2. Personnellement, je le découvre.
  3. « Le plus beau métier du monde », c’est bien connu !
  4. Un autrefois pas si éloigné que ça, malheureusement…
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