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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Politique, #Edouard Bergeon
La Promesse verte (Edouard Bergeon, 2024)

L’huile de palme. Un fléau pour la biodiversité, une bénédiction pour les industriels de l’agroalimentaire.
En Indonésie, la forêt primaire est régulièrement détruite pour laisser la place à des palmeraies, afin d’y tirer cette huile culinaire.

Martin Landreau (Félix Moati) est étudiant en anthropologie et a décidé d’aller là-bas pour essayer de comprendre et surtout de voir ce processus. Alors qu’il est dans un village dayak, il est témoin d’une expédition punitive contre les autochtones afin de les forcer à quitter leurs terres. Et en plus, il a filmé tout ça.

En danger, il tente de fuir mais est arrêté dans l’avion. Il est alors accusé de trafic de drogue et risque la peine capitale.

Aux Sables-d’Olonne, sa mère (Alexandra Lamy) tombe des nues.

 

Que de chemin parcouru depuis Nanouk l’Esquimau (1922) !

Alors que Robert Flaherty se contentait de nous montrer la vie quotidienne de son héros, Edouard Bergeon, pour sa part va au-delà de la présentation. Cette docu-fiction est avant tout un film engagé, et la part de fiction de son intrigue est des plus réalistes. Il est difficile de ne pas croire à toutes ces informations qui ressortent de cette histoire ordinaire – un étudiant qui vient observer un phénomène – qui se transforme en incident diplomatique, avec les ramifications sous-jacentes et autres tractations secrètes, voire pressions politiques qui sont mises à jour au fur et à mesure que Carole (la maman, donc) avance dans son combat pour la libération de son fils.

 

Parce que le personnage central du film, c’est bien Carole. Elle a déjà perdu son mari à cause d’un autre scandale – l’amiante – alors il n’est pas question qu’elle perde l’autre homme de sa vie.

Et Alexandra Lamy campe avec beaucoup de justesse cette femme qui se bat contre un système, une justice, un état. Un système de voyous, une justice défaillante et un état corrompu : Carole va passer de l’état de Mater dolorosa à celui de Mère courage, à mesure que la situation de son fils va empirer.

Et Bergeon, qui est un habitué du documentaire traite sa douleur et son combat comme un journaliste, toujours au plus près de l’action, accentuant l’authenticité de la détresse et de la détermination de cette femme brisée. La séquence qui voit Carole faire le ménage dans les étagères de sa cuisine est très représentative de cet état : alors qu’on a l’habitude des reporters qui ramènent des images mouvementées de lieux qui le sont tout autant, ici aussi la caméra est en mouvement pendant qu’elle compulse les différents emballages d’aliments à la recherche des trois mots fatidiques : « huile de palme ». On retrouve alors la frénésie – dérisoire – qui s’empare de l’esprit de Carole face à ce fléau qui est en train de lui enlever son fils.

 

Et si le constat est terrible, Bergeon agit avec beaucoup de subtilité, amenant progressivement cette forêt (1) que cache l’arbre : les intérêts en jeu (essentiellement financiers, comme c’est étrange) dans cette exploitation qui se moque éperdument de la vie pour privilégier l’enrichissement personnel, professionnel et étatique. Mais cette subtilité tient surtout à la discrétion des protagonistes – réels – de ce scandale : seul l’Indonésie et son système politique (et judiciaire) est mis en cause nommément. Pour le reste, aucun nom véritable, seules des fonctions sont mises en avant. Même le Président de la République est anonyme : quand Martin lui parle, on ne connaît pas son nom, et la seule photo – obligatoire dans les administrations – exposée au Ministère n’est pas nette. Et cela renforce l’importance de ce scandale écologique : depuis vingt-cinq ans que l’huile de palme est exploitée intensément, cette histoire peut se passer pendant n’importe laquelle de ces années…

 

Bien sûr, c’est un film choc, et très pessimiste. On en voit pas comment, pour toutes les raisons qui sont mises en avant tout au long du film, ce système va s’arrêter. Alors certes, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, et même s’il existe toujours des activistes pour dénoncer cet état de fait, cet espoir s’amenuiser.

Surtout que l’huile de palme n’est pas le seul domaine touché par les massacres écologiques… Malheureusement.

 

PS : Alors que ce film est très pessimiste et fort peu porté sur la comédie, on trouve tout de même quelques éléments qui nous soutirent un sourire. Pas un franc évidemment, mais nos lèvres s’étirent tout de même un petit peu vers le haut.

Et à chaque fois, ça se passe en prison…

 

  1. C’est le cas de le dire, non ?
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