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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Robert Wiene
Les Mains d'Orlac (Orlacs Hände - Robert Wiene, 1924)

Paul Orlac (Conrad Veidt) est un pianiste de renommée mondiale. A la fin d’une tournée, il rentre retrouver Yvonne (Alexandra Sorina), sa femme. Dans le train qui le ramène il pense à la douceur de ses cheveux, à la chaleur de son corps…

Mais le train a un accident et Paul perd ses mains.

Mais le docteur Serral (Hans Homma) est un génie doublé d’un artiste : il greffe une nouvelle paire de mains au malheureux Orlac.

Tout irait bien si ces mains n’étaient pas celle de Vasseur, un criminel qui vient d’être guillotiné.

 

C’est une histoire fantastique, et dans tous les sens du terme. Mais le seul bémol que je donnerai – et qui n’est pas si anodin que ça – c’est que c’est Robert Wiene qui a réalisé le film.

Wiene a montré son talent dans Le Cabinet du Dr Caligari, mais on sent qu’il atteint ses limites avec ce genre d’histoire : l’accident de train n’en finit pas, et à part pour une séquence, c’est Conrad Veidt qui, par l’étendue de son talent, démontre le mieux la torture et le tourment que vit Orlac. C’est un Fritz Lang ou un Alfred Hitchcock qui auraient pu rendre cette histoire grandiose. Alors contre mauvaise fortune, faisons tout de même bon cœur : la performance de Veidt est l’une de ses plus belles, avec celle de Cesare (déjà Conrad Veidt dans Caligari).
Il est un Orlac extrêmement convaincant, souffrant les mille et un tourments d’une situation qui lui échappe.

A l’instar de Cesare, Orlac est prisonnier de l’emprise qu’ont ses nouvelles mains sur lui. Il ne se contrôle pas toujours, et quand un nouvel assassinat a lieu et que ce sont les empreintes de Vasseur qu’on retrouve, sa raison vacille.

Bref, nous sommes dans un film où la folie rôde à chaque coin de rue (sombre).

 

Mais au-delà de cette histoire de mains criminelles, c’est – encore une fois – la prémonition si chère à Siegfried Kracauer* qui s’expose devant nos yeux : comment ne pas penser, plus de soixante-dix ans après l’expérience nazie, que ces mains qui contrôlent un homme et le dénaturent ne sont pas une représentation de cette main de fer qui s’installera moins de dix ans après la sortie du film. Ces mains qui annihilent la volonté trouvent leur écho dans le système politique hitlérien d’endoctrinement.

Bref, nous sommes bel et bien dans un film allemand.


Mais Orlac, c’est aussi une histoire de solitudes :

  • solitude d’Orlac, assujetti à ses mains, incapable de retrouver l’inspiration qui lui permettait d’exécuter de magnifiques oeuvres pour piano. La seule manière qu’il a de retrouver son inspiration perdue, c’est d’écouter des enregistrements qu'il en fit avant ;
  • Solitude d’Yvonne, délaissée par son mari qui n’ose plus la toucher, et relancée par des créanciers intransigeants ;
  • Solitude enfin du père d’Orlac (Fritz Strassny), misanthrope apparent, refusant de revoir son fils, et encore moins de l’aider.

 

Mais même si Wiene n’est pas Lang ou Murnau, son adaptation reste tout de même intéressante, les acteurs (surtout Veidt et Fritz Kortner dans le rôle de Nera) donnant une grande dimension à cette histoire pourtant improbable (jusqu’à la résolution finale, bien sûr).

 

Lang et Hitchcock ne tourneront pas cette histoire. Mais Karl Freund (opérateur et donc magicien allemand) s’y attellera avec en vedette un autre Allemand : Peter « M le Maudit » Lorre.

 

Mais ceci est une autre histoire, ou plutôt non : un autre film !

 

 

 

* De Caligari à Hitler : une histoire psychologique du cinéma allemand, l’Age d’Homme, 1973

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