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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Chronique, #Lindsay Anderson, #Lillian Gish, #Bette Davis
Les Baleines du mois d'août (The Whales of August - Lindsay Anderson, 1987)

Une île au large du Maine.

Une maison sur la pointe.

Deux sœurs.

Deux veilles mains qui se serrent.

Et le temps qui s'écoule, doucement, mais inexorablement.

 

Le film s'ouvre sur des images en noir et blanc, rappelant les photos du temps jadis. Et puis on arrive dans notre époque, la couleur arrive, La maison est identique. Seul le bateau à rame a maintenant un moteur... Rien n'a changé.

Il était temps. Il était temps que ces deux légendes se rencontrent sur un tournage.

D'un côté, Lillian Gish, star du muet. De l'autre Betty Davis, star du parlant. Ce sont deux immenses actrices qui se rencontrent dans des rôles de sœurs. Ce n'est pas la première fois que Bette Davis a un « monstre sacré » pour sœur. La dernière fois, c'était Joan Crawford, pour Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?

Mais cette fois, pas de bisbille. Pas de jalousie déplacée, pas de rivalité. Elles ne jouent pas dans le même registre. Lillian Gish a toujours joué des jeunes filles bien comme il faut alors que Bette Davis était plus dans un registre de garce ou de femme forte. Et l'alchimie prend. La complémentarité de ces deux vieilles femmes nous emmène au-delà de l'histoire.

Parce que même si elles sont sœurs, elles restent très différentes. L'une - Sarah (Lillian Gish) - est enjouée, affable, alors que l'autre - Libby (Bette Davis) - est aigrie, revêche. Et cela donne des situations parfois à la limite du supportable pour Sarah, spécialement quand un aristocrate déchu - M. Maranov (Vincent Price) - est invité à dîner : Libby est épouvantable. Mais Maranov est philosophe. C'est un homme qui dérive : « J'ai passé ma vie à visiter des amis », déclare-il à Sarah, après ce fiasco vespéral.

Une autre femme gravite autour d'elles. C'est Tisha Doughty (Ann Sothern), qui les fréquente depuis plus de cinquante ans.

Et puis il y a les baleines. Tous les ans, en août, elles reviennent près des côtes du Maine, et Libby et Sarah vont sur la pointe les observer. Sauf que depuis la guerre, elles ne viennent plus. « Quelle guerre ? » demande l'une. « Celle contre les Allemands » répond l'autre. C'est, avec une référence à Truman (président de 1945 à 1952), une des rares références temporelles du film. Il y a bien les souvenirs de Maranov d'avant la Révolution de 1917, mais si les photos passent avec le temps, les souvenirs aussi. Et on a du mal à situer le temps du film. Il faut dire aussi que tout est vieux : les personnages, mais la maison dans laquelle vivent les deux sœurs. Rien n'a changé en plus de cinquante ans. Et quand Sarah souhaite changer une fenêtre, Libby n'est pas d'accord : elles sont trop vieilles maintenant.

Il y a aussi les absents qui hantent ce film : leurs maris, décédés plus ou moins tôt, et dont elles se souviennent en relisant leurs lettres (Sarah) ou en parlant leurs objets (Libby). Et puis leur mère, en photo, à qui Sarah dit bonjour tous les matins. Non seulement c'est la mère de Sarah est Libby, mais en plus, il s'agit réellement de la mère de Lillian Gish, prise en photo avec elle bébé.

Lindsay Anderson filme avec beaucoup de délicatesse le quotidien de ces deux femmes, par petites tranches de vie : Sarah qui s'agite pendant que Libby arrive telle une star. Mais à sa décharge, Libby est aveugle. Et c'est d'ailleurs une idée formidable que d'avoir fait jouer ce rôle à Bette Davis. Elle qui avait des yeux si grands et si profonds, voilà qu'elle ne peut plus utiliser. Alors touche. Elle voit avec ses mains : les fleurs du jardin, les objets de son passé. Et malgré tout, Sarah, elle, voit. Elle peint un paysage. Il a un aspect impressionniste. Serait-ce dû à la vision de Sarah qui s'est altérée avec l'âge ?

Dans ce film très nostalgique, rien ne change. Ou presque. Seuls les protagonistes évoluent : ils vieillissent. Mais ils vieillissent avec beaucoup de grâce. Et on est même surpris de retrouver le même sourire de Lillian Gish, près de soixante-dix ans après ses rôles de jeune première. Et quand elle descend l'escalier, vêtue d'une nouvelle robe, avant le dîner avec Maronov, c'est le retour de la jeune fille qui est invitée à une prom (bal de fin d'année). Dire qu'elle avait quinze ans de plus que Bette Davis, et qu'on dirait presque qu'elle est plus jeune... (Je sais, je ne suis pas objectif, mais que voulez-vous, j'aime Lillian Gish !)

Quant à Bette Davis, elle a toujours cet aspect ronchon qui rappelle Baby Jane, mais face à Lillian Gish, il n'est pas possible d'être désagréable. Alors elle s'adoucit et retourne avec elle revoir les baleines : « on ne sait jamais... » répète-t-elle.


Alors pour savoir si les baleines sont enfin revenues, (re)voyez ce merveilleux film.

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