Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Marcel Carné, #Jacques Prévert
Drôle de Drame (Marcel Carné, 1937)

Un écrivain subversif.

Un évêque pas toujours clair.

Un botaniste au-dessus de tout soupçon (enfin normalement).
Un tueur de bouchers.

Et… et Scotland Yard.

 

De l’humour anglais français. Tel est le film de Marcel Carné, servi admirablement par Jacques Prévert. C’est la deuxième collaboration entre ces deux monstres sacrés et on peut voire que c’est une association formidable : nous assistons à une histoire qui pourrait être assez conventionnelle si elle n’était torpillée par le ton de Prévert.

Il règne dans ce film un vent de liberté hérité du Crime de M. Lange : d’ailleurs, William Kramps (Jean-Louis Barrault) ne s’y trompe pas quand il le décrit.

 

Mais avant tout, c’est le film des monstres sacrés : Michel Simon (Felix Chapel &Irwin Molyneux), Louis Jouvet (Soper, évêque de Bedford), Françoise Rosay (Mrs Molyneux), Jean-Louis Barrault, René Génin (le balayeur de rue)… Ils sont presque tous là (je sais, j’exagère).

C’est un festival d’acteurs servi par un dialogue de premier ordre :

 

« A force d’écrire des horreurs, elles finissent par arriver » (Felix Chapel)

« Mariée ? Heureuse ? – On ne se marie pas pour être heureuse. »

C’est aussi là qu’est entendue l’une des répliques les plus emblématiques du cinéma :

Bedford (Louis Jouvet) : Moi j'ai dit « Bizarre, bizarre »… Comme c'est étrange… Pourquoi aurais-je dit « Bizarre, bizarre » ?
Molyneux : Je vous assure, cher cousin, que vous avez dit « Bizarre, bizarre ».
Bedford : Moi j'ai dit « Bizarre »… Comme c'est bizarre…

 

Bref, c’est une histoire absolument improbable servie par une distribution et des dialogues qui la rendent probable, sinon  possible. On s’amuse de cet écrivain licencieux (Chapel), de son détracteur le plus virulent et le plus proche (Soper est un cousin) le tout avec l’inconvénient du direct : Kramps, le tueur de bouchers capable de faire une entorse à son modus operandi et tuer Chapel.

 

Rien n’est sérieux, et certainement pas les institutions dont la famille, qui est aussi représentée par une vieille tante gâteuse (Jane Lory), capable de renier a famille au profit d’un inconnu publiquement décrié.

 

Oui, Jouvet et Simon ne s’appréciaient absolument pas. Mais tout de même, cette scène commune du canard aux oranges est malgré tout un sommet du genre. Et pas seulement parce que c’est Prévert qui distribue la parole. Ces deux monstres sacrés (le terme n’est certainement pas galvaudé quand il s’agit de ces deux acteurs !) sont à leur plus haut niveau et nous offrent finalement un spectacle qui va au-delà de leur ressentiment personnel (et c’est là que s’affirme le talent) : c’est un véritable sommet ! Il faudra attendre Duvivier pour réussir à les réunir dans La Fin du jour – où, là encore, ils n’ont pas besoin de s’apprécier pour jouer ensemble et nous montrer l’étendue de leur talent.

 

Alors laissons un instant le réalisme poétique de Prévert et Carné, le temps d’un (formidable) film et laissons-nous conquérir par cet humour corrosif où finalement, et malgré tout, l’humain l’emporte : alors que la foule vindicative réclame la tête de Kramps et qu’un pauvre gamin est laissé pour compte, il est tout de même un de ces exaltés pour prendre le temps d’aller le chercher et le ramener parmi les hommes (même s’il rejoint cette même foule !).

 

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog