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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #F. W. Murnau, #Muet, #Comédie dramatique
L'Aurore (Sunrise: A Song of two humans - Friedrich Wilhelm Murnau, 1927)

La lune s'est levée, pleine. Un homme - Ansass (George O'Brien) - avance dans la lande à sa lumière. Il est venu rejoindre sa maîtresse : une femme de la ville (Margaret Livingston). Elle est belle, elle est brune, elle est libre, elle fume, et comble de l'audace : sa jupe monte au-delà de la cheville !

Alors pour cet homme de la campagne, elle personnifie tout ce qui lui est étranger mais le fait rêver : la ville et ses plaisirs, son faste, ses frasques.

Entre eux deux, c'est la passion : elle veut qu'il quitte tout pour elle et vienne la rejoindre à la Ville. Mais il y a sa femme, Indre (Janet Gaynor). Pour elle aussi, c'est la passion. Mais dans le sens premier du terme : la douleur. La douleur d'avoir perdu celui qu'elle aimait, la douleur d'être seule, avec son enfant ou dans son grand lit.

Alors quand il lui propose de l'emmener de l'autre côté du lac, elle veut saisir cette dernière chance de le retrouver. Mais il n'a qu'une idée en tête : s'en débarrasser pour vivre avec l'autre, l'étrangère de la ville.

 

La quintessence du film muet. L'un des plus beaux films jamais réalisés, par l'un des plus talentueux des maîtres du cinéma.

Malheureusement, ce film n'est véritablement connu que des inconditionnels de ce même cinéma muet, parmi lesquels le professeur célèbre Allen John et moi-même. Surtout lui, d'ailleurs. Et malheureusement très rarement programmé à la télévision, encore moins au cinéma.

Quel film, pourtant. C'est justement alors que le cinéma va subir sa pire révolution (le parlant) que s'enchaînent les films parmi les plus aboutis. En 1927, en plus de l'Aurore, on peut voir Metropolis de Fritz Lang, The Lodger d'Alfred Hitchcock, Le Roi des rois de Cecil B. DeMille, L'inconnu et London after Midnight de Tod Browning, Casanova de Volkoff, et l'incontournable Napoléon d'Abel Gance ! (il y en a même qui ont vu Octobre, mais ça, c'est juste pour faire sourire mon ami Allen John !)

Le cinéma est arrivé à maturité. Et Murnau est certainement celui qui le montre à la perfection avec ce magnifique film (euphémisme !).
C'est une féérie d'images, un festival de techniques cinématographique et un jeu impressionnant de deux grands acteurs : George O'Brien et (surtout) Janet Gaynor. Et il y a un côté Lillian Gish chez elle...

 

Tout le cinéma est là :

- La première rencontre entre Ansass et la femme se situe sous la lune (l'autre personnage important du film, révélateur des émotions et des péripéties) , symétriquement à l'astre nocturne, faisant suite à un travelling dans la lande amenant une caméra subjective écartant les branches d'un saule, afin de révéler la présence de la femme.

- Alors qu'Ansass étreint sa maîtresse, dans le même temps, Indre embrasse son enfant, pleurant ses amours mortes, dans un montage parallèle très pertinent.

- Surimpressions lors de la séquence d'ouverture ou pendant la fête foraine donnant un sentiment d'euphorie et de foule, mais aussi dans un moment d'intimité où Ansass repense à cette femme. Ce souvenir nous apparaît alors et le caresse tendrement.

Pour paraphraser Chaplin dans The Kid, il s'agit d'« un film avec une larme, et peut être un sourire. »

 

Parce qu'en plus de nous raconter une histoire d'amour malheureuse, Murnau glisse quelques éléments comiques assez irrésistibles : chez le photographe (J. Farrell McDonald, avec des cheveux !), au bal avec la femme dont les bretelles de la robe tombent...

Mais c'est avant tout la relation entre Indre et Ansass qui nous tient en haleine tout le long du film. Ce retour de flamme - des braises au début, puis un feu de joie - s'il s'inscrit dans une morale de bon ton est tout de même impressionnant.  De bon ton car l'adultère est toujours mal vue, et aussi parce que la femme de la ville a un genre peu recommandable, par rapport à cette jeune paysanne.
Paysanne, mais d'où ?

Murnau, en signant ce premier film américain brouille volontairement les cartes (géographiques). Et il l'annonce dès le début : il s'agit d'une histoire intemporelle et universelle. Elle peut se passer n'importe où, n'importe quand !

 

Quand ils arrivent dans la grande ville, de par sa foule et son effervescence, on se croirait dans Le dernier des Hommes. Alors on pense à Berlin, que Murnau vient de quitter. Mais la séquence dans la fête foraine nous fait penser à Coney Island, et donc les Etats Unis où Murnau vient de débarquer. Le tramway non plus ne nous aide pas : on en trouve un à Berlin comme à San Francisco !

Et les deux protagonistes principaux ne nous aident pas non plus. Si Ansass a plutôt le type américain, Indre, de par sa coiffure et son habillement ressemble plutôt à une jeune Allemande. Alors...

Mais est-ce là le plus important ? Murnau réussit à faire un film allemand en Amérique : le cinéma est bel et bien un art universel.

 

Et quand enfin l'aube paraît... Je n'en dis pas plus, vous irez vous rendre compte par vous-même !

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