Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Richard Oswald
Différent des Autres (Anders als die Andern - Richard Oswald, 1919)

Paul Körner (Conrad Veidt) est un violoniste de grande renommé, concertiste achevé et… Homosexuel. Et en Allemagne, dans ce début de vingtième siècle, c’est un délit qui dépend du fameux paragraphe 175, condamnant l’homosexualité.
Un jour, Kurt Sivers (Fritz Schultz), un jeune violoniste lui demande d’être son professeur. Charmé par le jeune homme il accepte, et rapidement, leur relation devient extraprofessionnelle.

Mais un homme les surprend et commence à faire chanter le maître.

 

Il s’agit – à mon avis et pour beaucoup d’autres aussi – du premier film engagé en faveur de l’homosexualité. Le contexte s’y prêtait : la Révolution (1918-1919) ayant amené un nouveau régime (la République de Weimar), un certaine liberté soufflait en Allemagne.
A la même période, Magnus Hirschfeld, sexologue de renom, prônait la dépénalisation de l’homosexualité, citant la Révolution française comme modèle. D’ailleurs, Hirschfeld collabora au scénario et fait quelques apparitions dans le film, dans son propre rôle.

Ce film, ouvertement pro-LGTB, dirions-nous maintenant fut bien accueilli à sa sortie. C’est une fois l’euphorie du changement passé et la montée du nazisme commencée, que ce film fut interdit voire détruit. Heureusement, une copie de 50 minutes a été conservée, c’est celle qui nous reste maintenant, agrémentée de cartons explicatifs et rares photos de plateau pour pallier les manques dans la linéarité visuelle.

 

Il s’agit avant tout d’un film édifiant qui veut démontrer que les homosexuels sont des gens normaux en bute à l’ignorance et la bigoterie ambiante qui les condamnent. Et il est malheureux de constater que presque partout dans le monde, les mœurs n’ont pas beaucoup évolué : aujourd’hui encore des homosexuels sont tués pour leurs préférences amoureuses.

Ici, dès le début, le problème est posé : Körner feuillette le journal et se rend compte que de nombreux homosexuels se suicident, incapables de supporter la pression de l’opinion publique. Et il ne faut pas être devin pour se douter que ce sera son sort avant la fin du film.

D’ailleurs, la disparition finale de Körner est avant tout la condition sine qua non de l’existence du film : on suit la déchéance sociale que Körner doit vivre du fait de sa différence. Et l’atout du film pour y arriver, c’est la présence de Conrad Veidt, acteur vedette du cinéma allemand de l’époque. Veidt est très juste dans le rôle de cet homme ostracisé par ses penchants amoureux : il tient bien sans rôle sans tomber dans la caricature. Et son suicide par empoisonnement est d’ailleurs très émouvant.

Veidt, de par sa position, est un acteur qui s’engage dans la lutte de Magnus Hirschfeld. Il fallait tout de même du courage pour accepter un tel rôle dans un climat social où, malgré la liberté amenée par la Révolution, les homosexuels étaient mal vus, sinon dénoncés ou victimes de chantage. A ce propos, le maître chanteur (Reinhold Schüntzel) est condamné lourdement pour avoir fait chanter Körner. Mais Körner, parce qu’il est homosexuel, et même s’il n’a rien fait de mal – ce que reconnaît le juge – est tout de même condamné à une légère peine de prison !

 

L’autre atout de ce film, c’est d’avoir su peindre cette société homophobe qui fait tout pour se débarrasser de ceux qu’elle juge différents voire anormaux : l’internat où Paul étudie et se lie avec un autre camarade d’où il sera renvoyé ; le bordel où la mère maquerelle considère que Körner n’est pas normal, les familles des protagonistes…

Et parallèlement, deux scènes se passent dans le milieu homosexuel où les gens dansent, les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes, insouciants, libres.

 

Un film rare (surtout pour cette période) qui reste malheureusement très fortement d’actualité.

 

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog