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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Giuliano Montaldo
Sacco e Vanzetti (Giuliano Montaldo, 1971)

Une séquence générique en noir et blanc : une descente de police dans les milieux anarchistes italiens, avec destruction et tabassage en règle. Parmi les hommes arrêtés, l’un d’entre eux est retrouvé mort devant l’hôtel de police après une chute d’un étage.

Quatre mois plus tard, Nicola Sacco (Riccardo Cucciolla) et Bartolomeo Vanzetti (Gian Maria Volonte) sont arrêtés et inculpés de braquage et d’homicide.

S’ensuit un procès retentissant qui amènera à l’exécution des deux hommes – à nouveau en noir et blanc – malgré les fortes pressions nationales et internationales.

 

Un sujet fort. La musique du grand Ennio Morricone et la sublime voix de Joan Baez. Deux grands acteurs italiens.

Sacco et Vanzetti fait partie de ces films engagés des années 1970s, que ce soit en Italie ou ailleurs dans le monde.

 

Il s’agit ici de la reconstitution (partielle) de l’une des plus grandes erreurs judiciaires du XXème siècle. Les faits réels étant plus compliqués et difficilement montrables dans un format horaire tout public, il est bien entendu que Giuliano Montaldo et Fabrizio Onofri sont allés à l’essentiel, s’attardant plus sur la personnalité – publique – des différents protagonistes de cette affaire.

On retrouve donc d’un côté ceux qui les ont soutenu – l’épouse Rosa Sacco (Rosanna Fratello), l’avocat Moore (Milo O’Shea), le journaliste (Claude Mann), l’avocat Thomson (William Prince) ; de l’autre ceux qui les ont enfoncés – le juge Thayer (Geoffrey Keen) et surtout le procureur Katzmann (Cyril Cusack).

Et entre ces deux groupes, les principaux intéressés.

 

Si les deux groupes ne sont montrés qu’essentiellement d’un point de vue objectif et surtout comme le public les percevait à travers les différents reportages et articles de journaux, il n’en va pas de même pour Sacco et Vanzetti qui sont suivis plus intensément, plus intimement.

Ces deux hommes ne se ressemblent pas. Absolument pas.

 

Sacco est petit, chétif, un tantinet timide et est soutien de famille. Il n’est pas assuré, malgré la présence de tous ceux qui l’entourent ou aimeraient le faire de plus près. Les moments où Montaldo suit Sacco sont toujours plus forts que ceux avec Vanzetti. Le petit Nicola est un homme faible. Il ne parle pas très bien l’anglais, et il sait que les étrangers sont mal-traités (choisissez en un mot ou en deux) par la police (1). Alors quand on le surprend dans son intimité, on le voit craquer nerveusement et finir à l’hôpital. Son retour parmi les autres prisonniers est un moment fort du film quand Vanzetti vient le saluer : pas de mot ni d’effusion, un regard intense du géant pour son compagnon d’infortune, et c’est tout.

 

Vanzetti, lui, est un colosse au verbe fort et facile : normal, quand on vend du poisson dans les rues, on a l’habitude pousser une voiture à bras volumineuse et de parler : son monologue (presque) final est d’une grande envolée et d’une justesse magnifique. Gian Maria Volonte a su interpréter ce personnage avec son talent (immense) habituel. Sa harangue (2) est précise et émouvante, c’est un autre moment très fort du film.

 

En face d’eux, les deux protagonistes sont assez terribles. Katzmann est un procureur extrêmement antipathique, doublé d’un homme roué voire fourbe. Il faut une énergie presque surhumaine pour que Moore fasse entendre ses arguments, seule vérité des échanges judiciaires. Il en ira de même pour Thomson qui reprendra l’affaire plus tard.

Katzmann est un procureur partial interprété – là encore magistralement – par Cyril Cusack : le procès criminel devient politique et les accusations disparaissent au profit de l’intolérance et la xénophobie. Sacco et Vanzetti seront condamnés non pas pour un crime qu’ils n’ont pas commis, mais avant tout parce qu’ils sont anarchistes, dans une période (début des années 1920s) où l’influence communiste née de la Révolution Russe est en train de se développer partout dans le monde. Cette affaire devient alors un exemple de ce que les Etats-Unis (conservateurs) pensent de cette nouvelle idéologie. Le pendant xénophobe de l’attitude de Katzmann fait réagir – avec justesse – Moore qui parle alors de Ku-Klux-Klan, dont la réapparition aux Etats-Unis était d’actualité depuis le film que vous savez.

Mais si Katzmann est une ordure qui influence les témoins (quand il ne les suborne pas), la responsabilité suprême dans cette affaire revient au juge Thayer, personnage dans la même lignée que Katzmann, en pire peut-être puisqu’il en tient aucun compte des différents recours et demande de révision.

 

47 ans plus tard, l’émotion, les images (3) et la force de l’interprétation sont intactes.

 

Il faudra 50 ans (1) pour que Sacco et Vanzetti soient réhabilités. Par un démocrate, évidemment : Michael Dukakis.

 

 

P.S. : Un petit bémol toutefois à propos de la version proposée : nous avons le choix entre deux versions sonores, une première doublée en français et une autre partiellement en italien. IL serait tout de même plus intéressant d’avoir une version conservant les véritables dialogues, américains et italiens, cela aurait évité le décalage obligatoire et gênant des interventions en italiens d’acteurs américains.

 

  1. Il est étonnant que cette attitude envers les étrangers soit toujours d’actualité dans presque tous les pays du monde. En 100 ans, rien n’a donc changé ?
  2. Normal, il vendait des poissons…
  3. Des images d’archives terribles montrant la même répression de la police : à New York ou San Francisco, puis en Angleterre, en France, en Inde…
  4. Jour pour jour après leur exécution, le 23 août 1977
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