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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #Völker Schlöndorff
Diplomatie (Völker Schlöndorff, 2014)

Paris, nuit du 24 au 25 août 1944.

Le consul de Suède Raoul Nordling (André Dussolier) se glisse dans le bureau du général von Choltitz (Niels Arestrup) après que celui-ci ait ordonné la destruction de Paris.

S’ensuit alors une fin de nuit pendant laquelle le Suédois va tenter de convaincre l’Allemand de ne pas détruire cette ville.

Vous connaissez l’issue de cette nuit.

 

Oui, nous connaissons l’issue de cette nuit puisque tous les monuments sont encore debout. Et puis aussi parce que nous avons (tous ?) vu Paris brûle-t-il (René Clément, 1966) : von Choltitz finit arrêté par le soldat Antonio González de la compagnie La Nueve.

Mais bien sûr, ce n’est pas l’issue qui nous intéresse ici. C’est le dialogue qui s’instaure entre ces deux géants qui devient alors un véritable combat, aussi déterminant que celui qui se passe dans les rues de la capitale au même moment.

 

A l’origine, c’est une pièce de Cyril Gély, interprétée par les deux mêmes acteurs, où nous assistons à une rencontre fictive mais dont le propos est loin de l’être.

La position et le rôle de Nordling justifiant cet entretien : il est impensable que cette discussion ait eu lieu en une nuit et surtout celle-ci, mais on peut imaginer que Nordling a tout de même négocié avec le général pour sauver la ville : il l’avait déjà fait pour les prisonniers politiques quelques temps avant.

 

Evidemment, la pièce en elle-même est magnifique, amenant une réflexion autour du pouvoir et de la validité des ordres, cette dernière réflexion sera d’ailleurs au cœur des débats du tribunal de Nuremberg.

Mais étant au cinéma, on ne pouvait se contenter d’une réalisation stricte de la pièce : un huis-clos étouffant (il fait chaud à Paris en août, en encore plus cette année-là !).

Et c’est le vétéran Volker Schlöndorff qui recrée le décor de cette entrevue, présentant en introduction la ville de Varsovie qui fut détruite un peu avant par les mêmes armées d’Hitler.

Il est difficilement concevable pour un spectateur d’imaginer Paris dans le même état, mais c’est pourtant le sort qui était réservé à la capitale : des ruines à perte de vue. Sans oublier les pertes historiques et culturelles (1).

 

Schlöndorff va alors sortir sa caméra pour illustrer ce qu’il se passe hors de ce bureau où a lieu l’affrontement de ces deux géants (malgré eux). Inévitablement, nous avons des plans de la ville, où n’apparaissent nullement les constructions modernes, mais aussi quelques séquences extérieures qui donnent une teinte authentique à cette entrevue fictive.

Mais tout revient inexorablement dans ce bureau où les arguments sont débattus par l’un et par l’autre, où Nordling amène en plus quelques envolées lyriques qui donnent un moment de répit dans cette joute oratoire. Mais Choltitz étant avant tout un militaire, ces envolées tombent malheureusement à plat et glissent sur lui (heureusement, il n’en va pas de même du spectateur).

De plus, il n’hésite pas à utiliser la caméra sur l’épaule pour ces mêmes moments de débats, amenant une proximité accentué&e pour le spectateur, comme s’il assistait réellement à l’échange, comme s’il voyait la ville en train de gagner son salut.

 

Mais le jeu des deux vétérans du spectacle que sont Arestrup et Dussolier est tout simplement magnifique.

Ils assurent totalement le succès de l’œuvre (au cinéma comme ils l’ont fait auparavant au théâtre), chacun dans son rôle sans jamais en sortir, avec, opposée à la rigueur militaire de Choltitz, une espièglerie toute dussolienne qui emporte rapidement l’adhésion du spectateur.

De plus, Schlöndorff ne fait pas la même erreur que René Clément 50 ans (environ) plus tôt : si les échanges se font en français, les différents personnages extérieurs s’expriment dans leur langue maternelle. Pas de dialogue avec un français mâtiné d’accent plus ou moins allemand.

 

Le résultat ?

Une situation encore plus authentique, condition sine qua non du succès du film.

 

PS : il est clair que Dussolier et Arestrup sont plus âgés que les hommes qu’ils interprètent (en 1944). Orson Welles (Nordling) et Gert Fröbe (von Choltitz) ressemblaient plus à leurs modèles, mais l’intensité était tout de même moins forte et surtout, dans le film de Clément, leur rôle était moins important.

 

  1. Bien que ce fut pourtant le cas à Varsovie (et dans d’autres villes historiques), l’impact reste toujours moindre quand on compare avec cette ville mythique qu’est Paris. Pourtant, si vous interrogez les descendants des Varsoviens, ce qu’il s’est passé en Pologne fut tout sauf supportable.
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