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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Elia Kazan, #James Dean
A l'Est d'Eden (East of Eden - Elia Kazan, 1955)

« Caïn se retira de la présence de Yahvé et séjourna au pays de Nod, à l'est d'Éden. » (Genèse, 4 :16 – Bible de Jérusalem). (1)

 

Du roman – classique – de John Steinbeck, Elia Kazan a choisi la quatrième et dernière partie, celle qui voit l’antagonisme passer de Charles et Adam (Raymond « Jonathan Brewster » Massey) aux fils de ce dernier : Aron (Richard Davalos) et Cal (James Dean).

Bien sûr, aucun des noms de ce trio masculin n’est anodin : tous trois sont des prénoms bibliques. Et Steinbeck s’est contenté de changer ceux des fils, mais le parallèle avec les fils de l’Adam biblique est là, comme le prouve l’initiale de leur deux prénoms : Aron/Abel et Caleb/Caïn.

Et comme pour les fils du patriarche, nous assistons à une lutte entre les deux frères, née de la jalousie, où encore une fois Caïn va tuer Abel, même si ce n’est pas de la même façon qu’aux temps anciens.

 

Ce choix de ne traiter qu’une seule partie du roman fut d’ailleurs payant : Steinbeck lui-même en devint un grand fan. Il faut dire que Kazan a mis les petits plats dans les grands, utilisant pour la première fois la couleur, (ab-)usant du vert dès que possible.

Et le résultat est là : il s’agit – à mon humble avis – de l’un des meilleurs films de Kazan, et la distribution n’y est pas étrangère.

En effet, outre Raymond Massey et Julie Harris qui ne sont pas des débutants, on découvre ici deux nouvelles têtes de Hollywood qui vont faire parler d’elles dans les années qui suivront : Jo van Fleet et bien sûr Jimmy Dean. (2)

Jo van Fleet est ici la mère de Cal (3) et Aron et son rôle n’est qu’accessoire, une sorte de catalyseur maléfique pour l’intrigue (4) : c’est la révélation à Aron qui va précipiter la fin et pas seulement celle du film.

 

En effet, dans la Bible, Caïn tue Abel par jalousie. Ici, Cal est jaloux de son frère – ce qui est normal au vu de l’attitude du père – et va le tuer d’une certaine façon : en révélant l’existence de cette mère « trop tôt disparue » et qui plus est tenancière d’un lieu mal famé, Cal tue Aron et tout ce qu’il représente. Le frère aîné part mourir en France (nous sommes en 1917-18), ou tout du moins s’en va à la guerre, sa fiancée Abra (Julie Harris) tombe dans les bras du frère mal-aimé et le père fait ce qui ressemble à un AVC qui le laisse hémiplégique. Bref, c’est un chaos incroyable qui s’installe, réduisant à néant tout ce qui a été construit auparavant. Mais n’est-ce pas là la chance de Cal qui va pouvoir – enfin – se construire auprès d’un père qui, s’il ne sait pas l’exprimer, aime son fils ?

 

Ce film est aussi rentré dans l’histoire parce qu’il met en scène tout en haut de l’affiche et pour la première fois James Dean, jetant les bases de ce qui va le faire devenir une icône pour la jeunesse mondiale, et ce pendant plusieurs décennies. EN effet, James Dean est un Ca  l extraordinaire. A tel point que Steinbeck lui-même déclara qu’il était Cal. Certes, il faut voir une certaine analogie entre Dean et son personnage si on en croit le récit que Kazan fait de sa rencontre avec le père de son acteur. Mais cela ne suffit pas, et même au contraire : il faut à l’acteur la capacité d’aller au-delà de ce qu’il a pu vivre dans sa vie personnelle pour donner le meilleur de lui-même. C’est ce que fait Dean ici avec beaucoup de talent.

Autre grande interprète, Julie Harris est une Abra formidable, tiraillée entre les deux frères, attirée par la sécurité de l’un et le non-conformisme de l’autre, abandonnant le premier pour choisir le second qui lui est au final le plus semblable.

Question aînés, il ne faut surtout pas minimiser la prestation de Raymond Massey qui est un Adam lui aussi admirable, victime indirecte de l’antagonisme qui éloigne les deux frères. Encore que : c’est tout de même son attitude disproportionnée envers ces deux fils qui amènent l’affrontement final et décisif.

Quant à Jo van Fleet, elle réussit à s’imposer  malgré quelques handicaps : Dean est bien sûr omniprésent et crève l’écran. Mais elle a en plus celui de l’âge (elle a 38 ans quand le film sort) qui ne lui permet plus de jouer les jeunes premières. Elle est malgré tout une Kate terrible, une femme forte mais au prix de nombreux sacrifices dont celui de ses deux fils : le prix de sa liberté.

 

Un film inoubliable.

 

PS : Décidément, Jo van Fleet fut une habituée du prénom Kate (ou sa variante : Catherine). C’est ici sa première interprétation sur grand écran avec ce prénom.

PPS : Lois Smith (Anne, la serveuse du tripot de Kate) vient de fêter ses 92 ans le 3 novembre dernier. Elle est la dernière survivante.

 

  1. Cette citation est énoncée par Sam (Burt Ives), le shérif.
  2.  Richard Davalos, bien qu’il débute lui aussi au cinéma n’aura pas la même carrière que les deux autres.
  3. Attention ce qui va suivre révèle une grande partie de l’intrigue. SI vous n’avez pas vu le film, il n’y aura plus de surprise lors du visionnage.
  4. Un catalyseur est généralement là pour favoriser une réaction chimique.
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