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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #Gilles Paquet-Brenner
Elle s'appelait Sarah (Gilles Paquet-Brenner, 2010)

 

16 juillet 1942.
La police française arrête les Juifs français (et étrangers) pour les entasser dans le Vel’ d’Hiv. De là, ils seront envoyés à Beaune-La-Rolande, Pithiviers ou Drancy puis vers des camps de concentration allemands. Parmi eux, Sarah Starzynski (Mélusine Mayance puis Charlotte Poutrel), qui a été raflée avec ses parents et a caché son frère Michel (Paul Mercier) dans un placard dérobé de sa chambre. Maos le temps passe et Michel reste enfermé. Et quand Sarah revient, hélas, Michel est mort depuis longtemps, reclus dans ce placard.

C’est cette histoire que Julia (Kristin Scott-Thomas) va mettre au jour, alors qu’elle doit habiter l’appartement où a eu lieu le drame – la famille de son mari a « hérité » de cet appartement un mois après les événements.

 

C’est une intrigue terrible que nous livre là Gilles Paquet-Brenner, abordant un sujet qui n’est pas des plus appréciés en France. Et pourtant. Plus de soixante ans après (quand le film sort – voire 65), la Rafle du Vel’ d’Hiv’ est toujours un sujet épineux voire tabou pour cet Etat qui n’a toujours pas vraiment assumé les responsabilités passées. Et ce n’est pas la déclaration  du président Chirac (16-7-1995) qui annule cet état de fait (1). Et Tatiana de Rosnay, à travers le roman éponyme, revient sur ces heures noires de l’Etat français. Mais pour Gilles Paquet-Brenner, ce film n’est pas anodin : son grand-père n’est pas revenu de déportation, et à l’instar d’autres réalisateurs d’origine juive, c’est une sorte d’exorcisme qu’il réalise ici, ajoutant une page supplémentaire (et indispensable) au traitement de la shoah au cinéma. Certes, on ne voit rien des atrocités commises dans les camps, mais l’histoire de cette petite fille qui portera toute sa vie la vie (et surtout la mort) de son petit frère reste un témoignage fort de ce que fut cette période troublée de l’Histoire de l’Humanité.

 

La petite Mélusine Mayance est superbe dans le rôle de la (très) jeune Sarah et d’une manière générale, les différent·e·s interprètes sont à la hauteur de l’intrigue et des enjeux du film, Kristin Scott-Thomas étant, encore une fois, sublime. A nouveau, l’intrigue part de trois fois rien : un nouvel emménagement qui pose la question des anciens occupants qui amène vers cette situation tragique. A cette intrigue s’ajoute celle de la vie de Julia elle-même qui se retrouve à un carrefour de sa vie : enceinte, elle ne sait que décider, surtout avec son compagnon (Frédéric Pierrot) qui préfèrerait que les choses ne changent pas et donc qu’il y ait avortement. Mais à mesure que l’intrigue avance et que Julia découvre la vérité sur cette femme somme toute très secrète, la pertinence de cet enfant à venir s’impose de plus en plus : cet enfant sera, d’une certaine manière, la compensation pour les vies perdues par ces événements du passé.

 

Et Gilbert Paquet-Brenner s’appuie sur l’interprétation solide des différents interprètes, donnant une grandeur au film et une dimension émotive non négligeable. Le point culminant étant la réaction de William Rainsferd (Aidan Quinn), le fils de Sarah, qui se rend compte que la femme dont lui parle Julia est une parfaite inconnue, malgré toutes ces années passées auprès d’elle.

Et au final, Paquet-Brenner a donné au roman de Tatiana de Rosnay une adaptation à la hauteur de ses enjeux : un film fort qui exprime avec justesse, mais sans tomber dans le grandiloquent ni une quelconque démonstration, tout un pan de cette histoire de France que certains ne voudraient montrer que sous son jour le plus brillant et glorieux, oubliant que tout s’équilibre : à côté de ces hauts faits qu’on s’empresse à célébrer, il existe des moments sombres qu’on préfère laisser dans cette ombre qui les entoure depuis bien longtemps.

Certes, ce qui est fait est fait, mais reconnaître ces différents travers, si cela n’apporte rien de physique du côté des victimes et de leurs descendants (les morts ne ressusciteront pas, on le sait), ne peut que grandir ceux qui reconnaîtront les erreurs passées. Et ces mêmes héritiers n’en seront que plus reconnaissants à ceux qui auront reconnu ces mêmes erreurs.

 

PS : Petit bémol toutefois : cette (mauvaise) habitude du cinéma français à doubler les dialogues en langue étrangère, faisant alors perdre une partie de l'intensité du film.

 

  1. Il existe toujours (en 2021) une frange de la population française qui, même si elle n’a pas vécu ces « événements », ne souhaite pas qu’on en parle !

 

 

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