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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Raymond Bernard
Les Misérables : Liberté, liberté chérie (Raymond Bernard, 1934)

 

Dernier volet de la trilogie, ce troisième film est celui des affrontements.

Affrontement des Parisiens contre le pouvoir royal de Louis-Philippe (1), et affrontement – final – entre Valjean (Harry Baur) et Javert (Charles Vanel).

Les grands absents de cet épisode sont bien sûr les Thénardier (Charles Dullin & Marguerite Moreno), Raymond Bernard et André Lang n’ayant pas retenu l’ultime rencontre entre lui et Valjean dans les égouts.

 

On retrouve ici, avec bonheur, le même principe narratif qui avait prévu dans les deux films précédents, les mots étant le plus souvent remplacés par des regards ou des gestes – héritage du cinéma muet – avec un souci de rester au niveau humain alors que cette fresque pourrait encourager à l’exubérance et au sensationnel.

Mais la barricade de la rue de la Chanvrerie – où est Marius (Jean Servais) – n’en demeure pas moins spectaculaire, sans toutefois tomber dans le grandiose comme dans certaines versions ultérieures.

D’une manière générale, c’est la sobriété qui prime dans les trois films, ramenant le propos au niveau de ses protagonistes : les misérables. Les misérables sont ces « petits », ces « obscurs » ces « sans-grades » – pour paraphraser Edmond Rostand – et n’ont pas accès à la lumière.

Et même la barricade reste à leur niveau, même si le combat fait rage et leur donne temporairement un statut de géant.

 

Cette barricade, c’est l’aboutissement de la violence de l’intrigue qui s’installe progressivement : après un premier épisode où elle est plus morale que physique, elle prend plus de place dans le second volet, avec surtout l’agression de Valjean par Thénardier et ses (louches) acolytes, sans oublier le passage (final) de la chiourme.

Ici, c’est un terrible combat de rue qui nous est proposé, avec charge de l’armée, la caméra de Kruger et Portier alternant les plans d’ensemble (restreint) et les cadrages au cœur de l’action, donnant alors un souffle épique à ce qui n’est malgré tout qu’une petite échauffourée.

Et encore une fois, on retrouve la verve de Hugo dans cet épisode tragique.

Tragique pour les morts qui vont tomber dont l’inévitable Gavroche (Emile Genevois), victime on ne peut plus tragique qu’il n’est qu’un enfant.

On retrouve aussi chez les émeutiers les aspirations de Victor Hugo, né trop tard pour faire la révolution ou participer aux campagnes napoléoniennes, mais surtout cet engagement républicain farouche que l’auteur épousera finalement.

 

Mais il y a surtout l’affrontement entre Javert et Valjean, qui permet au premier de réaliser son rêve – arrêter l’autre – et surtout d’apparaître un peu plus que dans l’opus précédent où il n’était que très peu montré.

C’est à nouveau un duel au sommet, mais sans négliger l’aspect réservé de Valjean qui ne s’avance à aucun moment.

Et Javert, autant que Valjean sont les dernières victimes de l’intrigue. Chacun à sa façon est « victime du devoir » :

  • Javert parce que l’attitude de Valjean est en rupture complète d’avec ce qu’il a pu penser toute sa vie : un forçat reste un homme méchant, et relâcher Valjean (qui le mérite pourtant) est une action en total désaccord avec sa fonction. Et Charles Vanel, même à ce moment tragique conserve l’attitude butée et bornée de son personnage.
  • Valjean parce qu’il n’a cessé tout au long de cette vie d’obéir au commandement – intérieur – de monseigneur Miriel (Henry Krauss), refusant autant que possible les honneurs, n’étant malgré tout qu’un ancien forçat en rupture de ban.

 

Et ce dernier affrontement confirme ce que j’ai déjà dit pour les deux autres films : Harry Baur est un Jean Valjean absolument magnifique, restant à sa (basse) place en tant que personnage, et partageant équitablement la scène avec son partenaire, quel qu’il soit.

Oui, Harry Baur était un grand acteur, malheureusement mort et injustement (2), et réduire sa vie d’acteur à la collaboration cinématographique, c’est faire peu de cas de ce qu’il fut réellement.

 

  1. La réplique de Louis-Philippe à propos des émeutes est assez savoureuse, rappelant 1789…
  2. Dénoncé comme juif aux Allemands, il fut incarcéré, interrogé et torturé pendant plusieurs mois pour rien et mourra des suites de sa captivité six mois plus tard.

 

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