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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Josef von Sternberg, #Marlene Dietrich
Cœurs brûlés (Morocco - Josef von Sternberg, 1930)

A peine débarquée à Hollywood, Marlene Dietrich rejoint son mentor – Josef von Sternberg – pour un nouveau film qui va la propulser en haut de l’affiche. Encore une fois (1).

Cette fois-ci, c’est Gary Cooper qui partage la vedette et dans une moindre dimension, le vétéran Adolphe Menjou. On retrouvera d’ailleurs Cooper et Menjou deux ans plus tard dans le superbe Farewell to Arms.

 

Le même jour, à Mogador (côte ouest du Maroc) arrivent un bataillon de la légion étrangère ainsi qu’un paquebot venant d’Europe. Parmi les légionnaires, le soldat Tom Brown (Gary Cooper). Parmi les passagers, le riche La Bessière (Adolphe Menjou), habitué du pays, et la jeune et belle Amy Jolly (2), interprétée par la non moins belle Marlene.

Bien sûr, La Bessière tombe sous le charme de cette superbe femme, mais Tom aussi, et l’âge, s’il est parfois un bénéfice, est aussi un handicap face à un jeune homme (surtout quand c’est Gary Cooper !).

Mais Brown est envoyé dans le désert et son régiment revient sans lui…

 

Avec ce film s’ouvre un nouveau thème dans le cinéma américain : la Légion étrangère. Gary Cooper s’y retrouvera neuf ans plus tard avec William Wellman pour l’inoubliable Beau Geste. Mais alors que les autres films vont insister sur certains faits d’armes, ici nous n’avons que très peu de plan relatif à la guerre (3), Sternberg insistant pour sa part sur l’ambiance et surtout les éclairages. En effet, quand Brown est envoyé en mission – où meurt Caesar (Ullrich Haupt Sr., qui mourra lui aussi d’un coup de feu, mais involontaire celui-là, l’année suivante) – pour détruire une mitrailleuse, Sternberg abandonne la séquence alors que son héros s’approche de son objectif, revenant à Mogador, où se languit Amy.

 

Comme nous sommes dans ce qui fut une colonie française, la langue de Molière est régulièrement utilisée,  surtout par celui avec qui Sternberg a commencé, Emile Chautard (on le retrouvera dans deux autres Sternberg : Shanghai Express et Blonde Venus tous deux sortis en 1932).

Le français est aussi utilisé pour les ordres militaires même si certaine tournure n’est pas très habile. Dernière utilisation de cette langue : la troisième chanson qu’interprète Amy (eh oui, cher professeur Allen John, elle chante trois fois !)…

Cette utilisation à peu près naturelle ajoute dans le souci d’authenticité qu’on retrouve tout le long du film.

 

Cette authenticité qui prime dans les films de Sternberg est accentuée dans les différents détails de la vie de la caserne : les militaires grossiers qui huent Amy à sa première apparition, préférant voir ses jambes que son smoking (voir plus bas) ; les femmes qui suivent les différents bataillons en déplacement – « l’arrière-garde », les appelle La Bessière – ou encore celles qui s’accrochent au cou des soldats, le temps d’une permission ou/et de les plumer…

 

Mais encore une fois, c’est Marlene Dietrich que suit constamment Sternberg. Sa caméra est constamment en mouvement pour suivre la belle Allemande, à son propre rythme, s’attardant sur certaines poses plus ou moins mélancoliques.

Mais si Amy Jolly est ce que le capitaine du paquebot appelle une « candidate au suicide (4), sa première sortie au cabaret de Lo Tinto (Paul Porcasi) – le propriétaire à l’immense boucle d’oreille – a tout d’un événement, qu’il concerne le film lui-même ou son intrigue.

Amy apparaît en smoking donc, avec chapeau claque, et interprète Give me the Man (pas formidablement, d’ailleurs) et se penche à un moment vers une autre femme pour lui prendre une fleur, l’embrassant pour l’occasion sur la bouche le plus naturellement du monde.

Mais nous sommes encore dans la période pré-code et ce geste qui sera bien sûr fortement découragé quelques années plus tard ne choque personne sur l’écran.

Comme quoi, certaines mœurs ont régressées…

 

Et alors que l’Ange bleu se termine sur la mort du professeur, ici, Sternberg nous propose une fin ouverte, où personne ne meurt si ce n’est l’espoir de La Bessière : la belle Amy abandonne tout pour grossir le rang des femmes de l’arrière, celles qui aiment leur soldat.

 

C’est une fin fort étrange mais qui conclut tout de même de très belle façon ce film plutôt atypique, au vu du sujet : dans les films suivants (américains ou français), peu de héros échapperont à leur sort funeste.

 

 

  1. Le public américain  n’a pas encore eu la possibilité de voir L’Ange bleu quand ce film est projeté.
  2. Malgré l’orthographe anglaise, il faut prononcer cela à la française : « amie jolie ». Hasard ? Ca m’étonnerait…
  3. La pacification du Maroc : comme d’habitude, on pacifie à coups de fusil…
  4. Il appelle ainsi les jeunes femmes qui viennent au Maroc avec un aller-simple et ne reviennent jamais chez elles.
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