Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Anthony Mann
Je suis un Aventurier (The far Country - Anthony Mann, 1954)

Rien à voir avec la chanson de Dutronc (qui lui est postérieure d’une quinzaine d’années), ce western d’Anthony Mann nous ramène dans un Ouest américain des plus sauvages : entre l’Alaska (Skagway) et le Yukon (Dawson City), là où la Loi et son représentant ne font qu’un, Washington étant bien loin pour aller vérifier…

Jeff Webster (James Stewart) et Ben Tatum (Walter Brennan) débarquent à Skagway avec leur troupeau et – crime impardonnable – perturbent une double pendaison commandée par le juge Gannon (John McIntire). Condamné puis relâché après avoir vu son troupeau confisqué, Jeff accepte la proposition de Ronda (Ruth Roman) de l’emmener à Dawson City. De nuit, il récupère son troupeau et va le vendre là-bas.

Mais Gannon et ses hommes l’ont suivi.

 

C’est déjà le sixième film que Mann et Stewart tournent ensemble (il y en aura encore deux), et on retrouve quelques éléments de Bend of the River (1952) où il est déjà question de gens ayant tout abandonné pour fonder autre chose plus loin.

Mais alors que James Stewart avait un rôle de gentil (1), ici, il est beaucoup plus nuancé (2), un peu misanthrope s’il n’y avait pas à ses côtés le vieux Ben, compagnon fidèle et inséparable. Et encore une fois, on retrouve Walter Brennan dans un rôle de papy un tantinet bourru, même s’il n’est pas aussi vindicatif que chez Hawks (Rio Bravo par exemple…).

Jeff n’est pas le seul personnage complexe de cette histoire : Ronda n’est pas ce qu’on peut appeler une femme très recommandable : partout où elle passe, elle ouvre un saloon qui profite de son implantation solitaire pour plumer les prospecteurs, n’ayant pas la possibilité de se fournir ailleurs. De plus, son association avec Gannon – à Skagway tout du moins – est des plus troubles.

 

Gannon n’est pas un juge ordinaire comme on pouvait en trouver dans les grandes villes américaines à la fin du 19ème siècle : l’éloignement et la rudesse du climat décourageant très certainement quelque représentant d’aller voir comment la Loi est appliquée.

Surtout que Gannon est ce qu’on peut appeler un juge pittoresque : buvant sec et régissant son comté d’une main de fer, c’est donc pendant une pendaison que nous le découvrons.

Mais dès sa rencontre avec Jeff, le ton est donné : avoir perturbé la pendaison est un crime grave, plus que d’avoir tué quelqu’un !

On retrouve alors dans ce juge un héritier de Roy Bean, Officier de justice à l’Ouest du Pecos (3). Gannon arrange la Loi pour la faire sienne, condamnant ou acquittant selon ses intérêts.

 

Mais bien sûr, il n’est pas seul et parmi les nombreux hommes de mains (de gâchettes, plutôt), on trouve un magnifique méchant : Madden (Robert J. Wilke). Arrogant, impudent et rapide au pistolet, le spectateur n’a qu’une envie : celle de le voir mordre définitivement la poussière

(4).

Autre méchant singulier, Frank Newberry est interprété par l’un des plus singuliers seconds rôles du cinéma américain : Jack Elam. Reconnaissable à son regard, il a encore une fois un rôle du côté obscur, et lui non plus n’arrivera pas jusqu’à la fin du film.

 

Mais heureusement, il y a aussi les prospecteurs, ceux qui ne manient pas très bien les armes à feu et donnent une teinte colorée aux habitants de cette ville en devenir (Dawson City). On y retrouve un trio de chanteuses qui tient en même temps le premier saloon du coin, avant d’être supplantées par Ronda. Et puisqu’on en est aux personnalités, on retrouve parmi elles une grande dame des seconds rôles : Kathleen « Penguin » Freeman.

On trouve aussi (bien sûr) un poivrot qui avait promis d’arrêter de boire, Rube (Jay C. Flippen). Mais si ce rôle a un côté comique au début, avec la situation qui pourrit à Dawson, il en devient tragique et ne doit son salut qu’à Jeff.

 

Quoi qu’il en soit, Anthony Mann signe ici un magnifique western (encore un), donnant à son personnage principal une teinte particulière : alors que James Stewart est catalogué parmi les gentils du cinéma – et pas seulement dans les westerns – le rôle de Jeff le rend plus inquiétant, pour les gens qui le rencontrent tout comme pour le spectateur. C’est un rôle tout en nuance qui tranche un peu avec les codes manichéens habituels : d’un côté le héros (vertueux, bon, justicier) et de l’autre le(s) méchant(s).

Jeff reste du bon côté, mais son attitude égoïste le laisse longtemps à l’écart de ce qu’il se passe autour de lui. Et ce n’est que quand son propre intérêt sera menacé qu’il acceptera le rôle de justicier.

Et une question se pose : s’il n’avait pas été menacé par Gannon, aurait-il participé au nettoyage de la ville ? Je ne le pense pas, mais n’oublions pas qu’il s’agit de James Stewart, et qu’on ne pouvait pas laisser partir son personnage alors que les méchants triomphaient.

 

 

  1. Peut-il en être autrement ?
  2. Tiens, oui.
  3. Si Roy Bean fut un homme qui a réellement existé, je vous renvoie plutôt à l’album qu’en tirèrent Morris et Goscinny (1959), la violence en moins.
  4. Rassurez-vous, ça arrivera.
Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog