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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Stephen Daldry
The Reader (Stephen Daldry, 2008)

Berlin, 1958.

Michael Berg (David Kross) rentre chez lui, malade. Il est secouru par une femme jeune, qui le sèche et le raccompagne.

Quelques mois plus tard, il retourne la remercier et tombe amoureux d’elle. Elle s’appelle Hanna Schmitz (Kate Winslet) et travaille dans les tramways.

Rapidement, ils deviennent amants, lui fougueux comme tout jeune homme de quinze ans, elle comme une femme gagnée par le retour d’âge et à qui la vie offre une nouvelle occasion d’aimer.

Mais Hanna a ses secrets : pourquoi laisse-t-elle Michael lui lire les livres qu’il étudie en classe ? Pourquoi ne veut-elle pas consulter l’itinéraire qu’il a préparé pour leur escapade ?

Mais s’il n’y avait que cela…

 

Il y a dans le cinéma de Stephen Daldry une subtilité qu’on avait beaucoup aimée dans Billy Elliott et qu’on retrouve ici dans cette histoire allemande. Mais alors que B.E. était une comédie, ici c’est plus d’une tragédie qu’il s’agit, où le passé se mêle aux sentiments et surtout où les vieux démons des « Années de Chien » (1) ressurgissent, rappelant sans cesse les responsabilités dans ce qui fut l’une des pages les plus noires de l’histoire de l’humanité.

Et ce qui fait la force du film, c’est bien sûr l’interprétation des différents protagonistes, avec en tête l’immense Kate Winslet dans ce rôle ambigu.

 

Ambigu parce que le personnage est complexe et renferme des secrets inavouables. Inavouables et de deux natures très différentes. Le premier, le plus évident, c’est son analphabétisme. On s’en doute rapidement quand on reconnaît certaines des tactiques employées par ses compagnons d’infortune frappés par ce même handicap (2).

L’autre secret concerne son passé : née en 1922, elle a vécu la période nazie comme enfant au début et comme adulte à la fin. Ses choix – « malheureux » serait un euphémisme – en découlent et pourraient s’expliquer par cette incapacité à lire. Mais à aucun moment la relation n’est officiellement exprimée : Hanna se refuse à avouer qu’elle est incapable de lire ni d’écrire.

 

D’où ce « liseur » (3) qui vient l’aimer et lire pour elle, lui permettant d’apprécier toutes ces grandes histoires. Et ce lien amour-livre est réciproque : d’un côté il lui apporte l’émotion artistique, de l’autre elle lui enseigne le plaisir amoureux, le temps d’un été.

Ce mélange sera aussi un révélateur de désespoir quand Michael apprendra le deuxième secret d’Hanna.

 

[Encore une fois, ce qui suit va révéler une partie de la résolution de l’intrigue. Si vous n’avez pas vu le film, vous savez quoi faire…]

 

En effet, Hanna a été une des gardiennes d’Auschwitz entre 1943 et 1944. Sa participation à la « solution finale » peut d’ailleurs être envisagée lors de la dispute qui se tient entre elle et Michael : ce n’est pas une certitude, certes, mais on sent cette vérité effleurer dans l’attitude et les propos d’Hanna.

Et on ne peut s’empêcher d’avoir un pincement quand Hanna est accusée par ses anciennes collègues d’avoir écrit le rapport qui va la condamner plus lourdement : sa honte de ne savoir lire l’emportant sur son salut, si on peut parler de salut dans cette situation.

 

Stephen Daldry réussit – encore une fois – à nous emmener dans une histoire forte et il est grandement aidé par ses interprètes.

Kate Winslet est – encore une fois – époustouflante de justesse et de naturel : elle est Hanna, cette femme complexe. Et quand on sait que Schlink l’avait en tête comme une interprète possible de son personnage, on comprend pourquoi. Elle joue sans fard ni artifice une femme terrible : capable d’amour et aussi d’une intransigeance criminelle comme on le voit pendant son procès.

Sans oublier ses scènes de nu avec David Kross (4) : là encore, ce sont des moments chargés d’émotion et d’une grande subtilité. La différence d’âge ne facilitant pas les choses.

Et surtout, Kate Winslet se livre dans toute sa « natureté » comme on disait autrefois : pas de doublure corporelle, des formes assumées et généreuses qui seront saluées à leur juste valeur par Oprah Winfrey dans son show incontournable.

 

Pas étonnant alors qu’elle ait décroché un Oscar – mérité, bien sûr – pour son interprétation.

 

PS : outre Kate Winslet et David Kross, on trouve Ralph Fiennes dans le rôle de Michael âgé. Encore une fois, Fiennes nous montre qu’il est un grand acteur, ajoutant par son jeu à la subtilité et la sensibilité qui baignent ce film.

 

  1. « Hundejahre » : 1933-1945
  2. Oui, c’est un handicap dans notre société où tout s’écrit et se lit.
  3. Traduction du titre du roman de Bernhardt Schlink (Der Vorleser).
  4. Ces scènes furent d’ailleurs tournées une fois que Kross eut 18 ans, histoire d’éviter des complications juridiques…
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