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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Documentaire, #Jean Vigo, #Boris Kaufman
A propos de Nice (Jean Vigo & Boris Kaufman, 1930)

« So nice in Nice », chantaient les Stranglers, et c’est presque ce qu’on pourrait penser de ce film qui nous montre cette ville balnéaire au début de l’année 1930. Nous sommes au moment des derniers préparatifs du carnaval qui va devenir la pièce centrale du film, mêlant l’insouciance des joyeux fêtards et un sujet beaucoup plus sérieux, la mort.

Et tout ça sans un mot, sans un bruit.

 

Ca commence par une prise de vue aérienne de Nice, survolée quelques instants (pour nous) avant que la caméra s’y installe et nous fasse découvrir certains aspects plus ou moins reluisants de cette ville, au temps où les congés payés n’étaient qu’une chimère. Vous l’aurez compris, ces gens oisifs qui se prélassent sur les chaises de la Promenade des Anglais, s’ils sont des vacanciers, sont avant tout des riches. Et la jeune mendiante qui s’approche d’eux détonne complètement, mais passant (presque) inaperçue aux regards de ces nantis.

Et Vigo enfonce le clou à leur propos, insérant un plan d’autruche après avoir montré une de ces élégantes.


Et c’est ainsi que va se dérouler le film. Des images qui se suivent sans ordre, à première vue et qui sont interrompues par un plan isolé qui va changer le point de vue du spectateur. C’est le cas de ce haut palmier qu’on entretient et autour duquel Kaufman fait tourner sa caméra avant de se concentrer sur un autre plus petit : normal, il est encore dans un pot !

Ce sera le cas du carnaval qui verra défiler à sa suite un régiment, entrecoupé par un plan de cimetière (celui du Château), rappelant que les soldats sont avant tout là pour tuer (2).

 

Et cet insert d’images presque contradictoire va donner tout son intérêt au film, cassant cette image faussement heureuse de cette ville de nantis. Enfin d’une minorité de nantis : Vigo et Kaufman laissent une place aux petits, les plus nombreux dans cette ville (3), à travers les balayeurs qui maintiennent le niveau de propreté de la ville, les vendeurs de socca, cette spécialité niçoise, amenée dans d’immenses plateaux sur leur tête, ou encore les enfants qui jouent avec passion, autant que leurs aînés pendant la pétanque (« sport » incontournable, cela va de soi, quand on est dans le Midi).

 

Et puis il y a donc ce carnaval qui est source de joie et d’insouciance, où les gens sont heureux de voir défiler chars et grosses têtes, Kaufman allant même jusqu’à filmer des bouts de visage de ceux qui les portent à travers la (petite) lucarne qui leur permet de se diriger (4). C’est aussi le cadre d’une étonnante bataille de fleurs, les gens s’envoyant des petits bouquets à la figure, avec le sourire, bien entendu, jusqu’à ce qu’un participant reçoive le bouquet de trop et devienne menaçant. On y trouve aussi une étonnante reine (elle n’est ni jeune ni belle) qui est régulièrement bombardée de ces bouquets.

 

Et puis il y a les jeunes filles. Elles sont jeunes et belles, insouciantes et la jambe légère, découvrant sans vergogne leurs dessous (affriolant, évidemment), entraînées par cette liesse populaire. Mais cette insouciance n’échappe pas aux regards des deux complices et vont s’insérer des plans de ce même cimetière entrevu avec les militaires, tandis que la vitesse de défilement des jeunes et jolies carnavalières va ralentir, comme un avertissement : profitez maintenant, car la mort vous attend inexorablement (1).

 

Et d’ailleurs, nous avons droit à un autre défilé, corroborant cette idée : un enterrement qui voit les gens sortir d’une église et suivre un corbillard. Mais encore une fois avec un élément qui va à l’encontre des images qui nous sont montrées, et que je vous laisse découvrir…

 

  1. Seul le titre de la chanson est adéquat. Les circonstances de son écriture n’ont absolument rien à voir avec le film de Vigo & Kaufman.
  2. Dans notre société où la mort est devenue un tabou, on s’étonne de voir que la guerre fait des victimes.
  3. Ce déballage de riches(ses) n’empêche pas Nice d’être une belle ville. Enfin c’est le souvenir que j’en ai…
  4. L’ayant fait plusieurs années de suite, cette lucarne est indispensable mais n’empêche pas tout, surtout les enragés qui veulent y enfouir leur paquet de confettis.
  5. « Cueillez, cueillez votre jeunesse… » (Pierre de Ronsard)
A propos de Nice (Jean Vigo & Boris Kaufman, 1930)
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