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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #İlter Çatak
La Salle des profs (Das Lehrerzimmer - İlter Çatak, 2023)

Un collège.

Des élèves.

Des professeurs.

Des vols.

Un vol.

Un ordinateur allumé.

Un chemisier avec des étoiles.

 

[Attention : De vrais bouts de résolution de l’intrigue se sont glissés dans le texte qui va suivre. A vous de voir le film avant, de lire malgré tout, ou de passer votre chemin…]

 

Terrifiant.

Quinze ans après La Vague, le cinéma allemand nous propose une nouvelle immersion dans le système scolaire. Et cette analogie n’est pas innocente parce que nous assistons encore une fois – mais de façon moindre – à la réapparition des anciens démons. En une séquence, tout est résumé :

La direction fait une descente dans une classe, suite à une dénonciation, exclut toutes les filles, et fouille tous les porte-monnaie. Et c’est Ali (Can Rodenbostel) qui est emmené. Ali, un enfant issu de l’immigration…

 

Mais c’est avant tout le vol d’argent dans la veste de la jeune Carla Nowak (Leonie Benesch, formidable) qui va faire basculer le scénario dans une atmosphère malsaine, pleine de suspicion, de doute et de malaise. Parce que Carla est professeure – de maths et d’EPS – et le vol principal s’est passé dans la fameuse « salle des profs » du titre. Et surtout, le chemisier étoilé n’appartient pas à un élève : alors que les vols dont on parlait au début ressemblait plutôt à des histoires d’ados (portable, argent, crayons…), ce nouveau délit concerne les adultes. En effet, ce n’est rien moins que la secrétaire – et un peu factotum – du collège, Mme Kuhn (Eva Löbau), qui est la seule que nous voyons porter un tel chemisier. Mme Kuhn qui travaille au collège depuis bientôt quinze ans !

 

Seulement voilà : il est interdit de filmer les gens à leur insu. Et cela v&a devenir l’un des enjeux de cette intrigue, qui va déborder de l’univers clos de la salle des professeurs. Parce que, au final, nous ne sommes pas si souvent que cela dans cette salle emblématique. Et si c’est delà que part le « scandale » (la une du journal du collège), ce sont avant tout les relations entre les élèves et les professeurs – et en particulier avec Carla Nowak – qui sont le véritable ressort de l’intrigue. Parce qu’il faut ajouter un élément supplémentaire à cette atmosphère malsaine : Oskar (Leonard Stettnisch).

 

Oskar n’a pas beaucoup de chance. En effet, en plus d’être l’élève le plus doué de la classe – ce qui lui amène des jalousies, il est le fils d’un des personnels du collège. Oui, vous avez deviné – ou vu le film – son nom de famille est Kuhn. Et Oskar va devenir, malgré lui (?), le centre de l’intrigue. Il se retrouve à faire le tampon entre sa mère et le collège – pas seulement avec Carla – tout en étant le centre de l’attention de ses camarades de la classe (et du reste du collège). Avec d’un côté ceux qui le soutiennent et de l’autre ceux qui le méprisent. Doublement parce qu’il est le plus fort de la classe. Avec en prime quelques idées nauséabondes sur l’hérédité : le fils d’une voleuse ne peut être que voleur…

 

Et İlter Çatak va progressivement développer son intrigue tel un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage, détruisant les relations entre les différents individus qui composent ce microcosme fermé qu’est l’école. Il n’y a plus de confiance : toutes les relations qui se sont créées pendant les premiers mois de l’année scolaire se retrouvent remises en cause. Et les différentes stratégies élaborées par Carla pour capter l’attention des élèves vont-elles aussi en pâtir.

Carla est une jeune prof et elle vient d’arriver dans cet établissement. Si elle a été bien acceptée par ses collègues, on comprend rapidement qu’elle n’est pas complètement à l’aise du fait de son arrivée récente dans l’établissement qui s’ajoute à sa jeunesse dans le poste. Alors se retrouver à accuser – plus ou moins ouvertement – une collègue de travail revêt une autre importance. Surtout que la personne soupçonnée est tout sauf une inconnue pour les élèves qui la consultent souvent et l’apprécient beaucoup.

 

Et Çatak (avec son complice de toujours Johannes Duncker au scénario) va utiliser avec beaucoup d’habileté ce rapport entre les élèves et les personnels, amplifiant une différence déjà fortement définie : morphologiquement (adulte-enfant) et fonctionnellement (autorité-obéissance).

Cela passe par le rejet du système – à travers la professeure – ainsi que des prises de position un tantinet exacerbées comme savent le faire les adolescents. Et je pense que tous les enseignants qui ont vu ce film ont éprouvé le même malaise que Carla quand ses élèves ont décidé de ne pas parler pendant son cours, en réaction à cette information terrible qui s’est mêlée à la rumeur inévitable. Et même si ce silence ne dure pas, l’impression reste gravée au plus profond de la professeure comme des spectateurs.

 

Bien entendu, Çatak et Duncker ne résolvent pas l’aspect policier de l’intrigue et on ne sait pas vraiment si Mme Kuhn est coupable ou non, et d’ailleurs, nous n’en sommes plus là : Oskar, malgré son éviction est revenu en cours, et n’a pas l’intention de partir, malgré l’insistance de Carla et de ses supérieurs.

Et la séquence finale est absolument fabuleuse : Oskar est porté sur sa chaise, tel un souverain son trône, à travers le collège, tandis que la musique est devenue munificente (ouverture du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn), donnant une emphase à l’aspect monarchique de la situation.

 

Mais, outre un basculement final, cette parade grandiose tombe à plat à cause des différents plans qui l’ont précédée : le collège est absolument vide !

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