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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Cédric Jimenez, #Guerre
HHhH (Cédric Jimenez, 2017)

« Himmlers Hirn heiβt Heydrich » (1).

Telle est la signification qui se cache derrière ces quatre H expirés (2) : un portrait succinct mais tellement vrai de cette immonde personne.

Parce que Heydrich était un être extrêmement mauvais : situé juste au-dessous de Himmler dans la hiérarchie nazie, il possédait une intelligence qui le situait largement au-dessus de son supérieur qui, ne l’oublions pas était avant tout un éleveur de poulets. Himmler sera d’ailleurs le seul haut dignitaire du parti que nous verrons, si nous écartons Röhm qui ne fait que deux très courtes apparitions (Ian Redford).

 

Le film est en trois parties de longueurs variables mais donnent une structure ternaire qui n’est pas sans rappeler la forme d’une dissertation : thèse – Heydrich - ; antithèse (Gabcík & Kubiš) ; synthèse – la confrontation et ses conséquences.

Tout commence le matin du 27 mai 1942, jour de l’attentat. C’est une journée comme toutes les autres pour Heydrich (Jason Clark), si ce n’est sa prolongation funeste. C’est lors de l’intervention du premier tueur - Jozef Gabcík (Jack Reynor) – que l’image se fige une première fois et le film nous ramène 13 ans plus tôt, quand Heydrich était un membre de la marine allemande : officier, sportif et mélomane averti. Suit son ascension irrésistible, dirigée dans un premier temps par sa femme Lina (Rosamund Pike), avant qu’il s’en affranchisse et devienne « Protektor » de Bohème-Moravie, puis au jour de l’attentat.

La sten de Gabcík ne fonctionnant pas, c’est Ian Kubiš (Jack O’Connell) qui prend le relais, balançant une grenade artisanale qui se fige à son tour, laissant place à la deuxième partie nous racontant comment cet attentat fut organisé, de l’Angleterre (où les deux hommes s’étaient réfugiés jusqu’à Prague et ce même matin de mai.

Quand on arrive au 27 mai, la troisième partie débute et ne se terminera qu’à la fin définitive de l’opération : la mort de tous ces protagonistes, ainsi que les victimes collatérales.

 

On a reproché à Cédric Jimenez des approximations dans le film, qu’elles soient historiques ou géographiques. Mais n’oublions jamais que nous sommes au cinéma et que la base de l’intrigue tient dans le roman éponyme de Laurent Binet (2010) : si on remarque des efforts de vraisemblance, on ne peut pas éviter une certaine distance quant aux personnages historiques.

Une chose ressort tout de même : c’est que Heydrich était un énorme salaud (euphémisme) et que son implication dans la solution finale fut l’une des raisons pour lesquelles ce fut un véritable massacre. Heydrich était doué en tout, même en crime.

Et c’est peut-être ça qu’on peut reprocher à Jimenez dans le film. Il me semble que mettre les deux Tchécoslovaques au même plan que l’Allemand n’a pas été une si bonne idée. Heydrich est très certainement l’un des pires criminels nazis, et son rapport à la mort directe aurait gagné à être plus développé. Tout comme ses rapports avec sa hiérarchie et surtout Hitler. Ce dernier est certainement le grand absent du film. Si Himmler (Stephen Graham à contre-emploi dans un rôle d’affreux) est présent, on aurait pu avoir les interventions des autres dignitaires et leurs avis quant aux directives de Heydrich. De même, les effets de ses décisions auraient pu aussi être plus développés. En fait, peu d’interventions directes nous sont montrées : la Nuit des Longs Couteaux est une succession de surimpressions rythmées par le son des coups de feu ; les Sonderkommandos sont brièvement montrés, mais surtout, la Conférence de Wannsee est trop brève et n’explique pas assez en détail ce qui a été décidé.

 

Il n’en demeure pas moins que le portrait d’Heydrich est assez fidèle à l’esprit de cet homme extra-ordinaire. De plus, Jimenez nous montre que ce personnage abject avait une vie privée : une femme, des enfants (une maîtresse ?), un goût prononcé pour la grande musique. Quelqu’un qui semble tout à fait ordinaire. Comme n’importe qui. Cet aspect « humain » du personnage est d’ailleurs toujours présent chez les autres Nazis (3).

Quoi qu’il en soit, le film de Jimenez se base sur une distribution sérieuse où les acteurs sont convaincants et donne tout de même un bon aperçu de Prague à cette période ainsi que de la malfaisance de Heydrich, rarement évoquées dans les écoles autres que tchèques ou slovaques.

 

Je terminerai en rappelant que cet événement fut traité déjà en temps de guerre par Fritz Lang, dans lequel il nous montrait l’impact de la répression allemande faisant suite à l’attentat. Ici, ce même thème est traité dans la troisième partie avec des images violentes qui n’étaient que suggérées : l’époque n’admettait pas une telle débauche de violence, et surtout, les circonstances réelles de cet attentat furent connues beaucoup plus tard.

 

Mais Jiménez ne termine pas sur une note macabre – tout le monde ou presque est tué. En effet, sa toute dernière séquence amène un léger sourire au spectateur.

Je vous laisse la découvrir.

 

 

PS : Joyeux Noël !

  1. Le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich.
  2. Comme le disait mon professeur de linguistique, on expire le H, il est interdit de l’aspirer, même pour raisons médicales…
  3. Lire, à ce sujet, La Mort est mon métier (Robert Merle, 1952), où sont rapportées les pseudo-mémoires de Rudolf Höβ, commandant d’Auschwitz-Birkenau.
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