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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Julien Duvivier, #Jean Gabin, #Drame
Pépé le Moko (Julien Duvivier, 1937)

Un homme derrière des barreaux crie le nom de la femme. La femme se bouche les oreilles. C'est de la sirène du bateau qu'elle protège ses oreilles.

L'homme s'effondre. Il est mort.

 

Pépé (Jean Gabin), c'est le brigand bien aimé. A la Casbah, tout le monde le connaît, l'apprécie, le protège. Même l'inspecteur Slimane (Lucas Gridoux) le ménage. Il le ménage pour mieux l'arrêter. Mais pour cela, il faut que Pépé quitte la Casbah et descende en ville.

Et en ville, il y a la belle Gaby (Mireille Balin). Gaby, ce sera l'arme ultime de Slimane pour se débarrasser de Pépé.

 

Julien Duvivier a fait traversé la Méditerranée à ses personnages. Mais avec eux, il a amené leur désespoir et cela ne les empêchera pas d'être rattrapé par leur destin. Surtout Pépé. Alors on regarde, impuissant, le drame se jouer. Gabin est toujours aussi impressionnant : il frappe, il charme, il chante... Mais il crie aussi, quand Pierrot (Gilbert Gil) est mort, qu'il est ivre et que plus rien n'a d'importance. Il crie comme il savait le faire, quand le désespoir le tenaille. Il y aura d'autres crises, dans d'autres films, mais celle-ci est terrible : c'est un homme seul - même s'il est entouré - qui étouffe dans une ville qui n'est pas la sienne. Pépé, son rêve, c'est de retourner à la civilisation : la Casbah, c'est juste une planque. Lui, ce qu'il veut, c'est Paris et son métro. Alors quand Gaby débarque dans sa vie, c'est une bouffée d'air parisien qui le submerge et remise tous ses soucis. S'il quitte la Casbah, il sera arrêté ? La belle affaire. Cette femme vaut le coup de risquer sa liberté, voire sa vie.

 

Avec Pépé le Moko, Duvivier verse dans l'exotisme. Plus que dans La Bandera où le désert n'était qu'anecdotique. Ici, la Casbah est plus vraie que nature, avec ses ruelles blanches, ses maisons blanches, ses toits blancs, ses marchands ses porteurs d'eau. Et ses femmes. Des femmes de partout : d'Alger, bien sûr, mais d'ailleurs aussi, des Gitanes comme Inès (Line Noro), une ancienne gloire oubliée du music-hall (Fréhel, émouvante, elle-même presque oubliée aussi à cette époque...) qui pleure en chantant un ancien succès, et toutes las autres, anonymes, décrites au début du film dans la présentation de la Casbah.

On déambule dans la Casbah comme ces riches touristes à la recherche de sensations fortes, ou complètement groggy, comme Pépé quand il la descend vers son destin (fatal, on est chez Duvivier). Tellement groggy que les rues se mettent à danser et s'effacent pour laisser place à la mer qui accueillera le bateau emportant Gaby.

 

L'autre force du film, c'est sa distribution. Comme disait Mocky : « Il appartient aux films interprétés par des acteurs qui aujourd’hui n’existent plus, c’est-à-dire les seconds rôles qui pourraient être des premiers rôles. »

Et question seconds rôles, il y a du gratin : Charpin (Régis, le salaud), Dalio (L'Arbi), Saturnin Fabre (Grand-Père), Gabrio (Carlos), Modot et son bilboquet, et j'en passe. Il ne manque que Le Vigan !

 

Enfin, il y a les dialogues. Il y a Duvivier, il y a Jacques Constant, et surtout, il y a Henri Jeanson. Et on se régale, malgré la noirceur du film :

« T'es trop p'tit, mon grand. »

« Avoir l'air d'un faux-jeton à ce point-là, j'te jure que c'est d'la franchise. »

« Inès le matin, Inès le midi, Inès le soir... T'es pas une femme t'es qu'un régime ! »

« J'leur donne mon corps, mais j'garde ma tête. »

« Je te le jure sur la tête de mon père !

- Tu risques pas grand chose, il a été guillotiné. »

 

Après La Bandera, où Gabin jouait le rôle d'un truand en cavale devenu soldat, Duvivier va plus loin avec son mauvais garçon : il aime. Il aime à en crever. Son histoire d'amour (malheureuse) nous touche et nous transporte. On s'identifie. On veut y croire (même si on sait que ce ne sera pas possible.

Et si Pépé meurt, ce n'est pas pour ses crimes comme les truands américains de la même époque (Scarface, L'Ennemi public...), c'est avant tout par amour.

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