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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #John M. Stahl, #Joseph L. Mankiewicz
Les Clefs du Royaume (The Keys of the Kingdom - John M. Stahl, 1944)

 

« Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » (Matthieu, 16:19)

 

Les clefs du royaume… A priori, ce n’est pas au père Francis Chisholm (Gregory Peck) que l’évêque Sleeth (Cedric Hardwicke) va les donner, tant son apostolat semble rempli d’échecs et de désillusion.

Mais à y bien regarder, pouvait-il en être autrement ?

Un prêtre contrarié par l’amour de sa vie (elle a eu un enfant hors mariage, et en 1878, ça ne se pardonne pas) et qui se retrouve en Chine (païenne, bien sûr) dans la fleur de l’âge et qui en plus ne contraint pas ses « fidèles » à se convertir peut-il avoir un « tableau de chasse » flatteur ?

Et pourtant…

 

Ce film de John M. Stahl est très édifiant, mais il n’en demeure pas moins un très beau film, et si on peut se risquer à le taxer de prosélytisme, il faut avant tout s’en garder.

En effet, il a beau traiter de religion et de personnes de Dieu, il n’en demeure pas moins très humain et l’attitude de ce drôle de prêtre devrait être un peu pus répandue auprès de ses collègues, chrétiens ou non. En effet, si le rôle de Chisholm est l’évangélisation, à aucun moment nous ne le voyons brandir son crucifix pour convertir les païens chez qui il est venu s’installer. Au contraire même, quand M. Chia (Leonard Strong) lui propose sa conversion en remerciement de ce qu’il a fait pour son fils, il s’empresse de refuser ce geste qui n’a rien de religieux. Mais quand il quitte – après de très nombreuses années sa mission, nous nous rendons compte du travail qu’il a pu effectuer pendant ces quelques décennies.

 

Mais ceci posé, le film n'en demeure pas moins le récit d’une vie, religieuse certes, mais avant tout humaine. Chisholm n’est pas un de ces prédicateurs exaltés comme on peut en trouver dans le cinéma américain (et d’ailleurs), tel Alfred Davidson (Sadie Thompson, 1928), et qui n’auront de cesse de revenir à la charge tant que leur cible ne sera pas venue à des sentiments chrétiens (sans avoir vraiment fait preuve d’en posséder soi-même).

Le père Chisholm est avant tout un homme, faible par définition et qui se contente de ce que la vie lui donne, sans aucune certitude ni intervention extra-ordinaire (1).

Et cette humanité n’a pas de limite : il se comporte également avec les gens qu’il aime et ceux qu’il rencontre, acceptant chacun tel qu’il est, sans montrer quelque visée prosélyte tellement naturelle chez ses autres collègues. La rencontre avec le pasteur Fiske (James Gleason) et son épouse (Anne Revere) est un magnifique exemple de tolérance œcuménique, tolérance dont on voit d’ailleurs les fruits lors du départ de Chisholm.

 

Oui, Les Clefs du royaume est un film religieux. Mais à la différence du modèle américain, il s’agit de religion catholique – c’est avant tout le protestantisme qui est la religion la plus représentée – mais sans pour autant être une hagiographie ou quelque allégorie voire bondieuserie qui nous est proposée ici. Comme je l’ai déjà dit, c’est l’humanité de Chisholm qui est le sel de l’intrigue et du film. Et c’est aussi le plaisir de voir Gregory Peck dans un de ses premiers grands rôles (le deuxième) : à peine sorti du Jour de Gloire de Tourneur (Jacques), il enchaîne sur le rôle inoubliable de ce prêtre œcuménique. Et son allure fait beaucoup pour le succès de ce rôle : je l’ai déjà écrit ci mais il possède à la fois une carrure impressionnante (1,90 m) et une faiblesse touchante qui le rendent immédiatement sympathique et humain. Il est on ne peut pus crédible dans les habits sacerdotaux de ce prélat fort singulier dont le meilleur ami est un athée (Thomas Mitchell) !

 

Et pus de 75 ans après la sortie du film, il fait bon voir un religieux qui n’essaie pas de convertir de force ses contemporains (2). Un exemple (un modèle) pour certains exaltés qui nous sont contemporains et qui feraient bien de (re)voir ce film de toute urgence !

 

  1. Divine, si vous préférez…
  2. Encore moins à coups de bible et de fusil comme il fut un temps la coutume américaine…

 

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