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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Robert Aldrich
Vera Cruz (Robert Aldrich, 1954)

En ce jour de Noël 1954, le public américain a le plaisir de voir sur une même affiche deux grands acteurs hollywoodiens : Gary Cooper, le vétéran et Burt Lancaster, le plus jeune Burt Lancaster. Et en plus : c’est un western, genre qui est à son apogée dans cette décennie qui n’a pas encore vu Gunfight at the OK Corral ou Rio Bravo quand Vera Cruz sort.

Mais d’entrée de jeu, Robert Aldrich donne le ton : ce ne sera pas un western ordinaire où  le manichéisme est l’étalon moral et les héros s’en vont dans le soleil couchant (1).

Ici, les héros ne sont pas ce qu’on a l’habitude d’appeler ainsi, et les cowboys (qui n’en sont pas : à aucun moment ils n’approchent une quelconque vache) montrent un visage un tantinet plus réaliste qu’à l’accoutumée.

Attention : je ne dis pas qu’Aldrich a inventé le réalisme dans le western, mais les situations que nous trouvons dans ce film sont en décalage avec ce qu’on a l’habitude de voir dans cette période.

Mais reprenons.

 

Nous sommes au Mexique, après la Guerre de Sécession, nous trouvons des Américains au Mexique : des Sudistes qui n’acceptent pas tous la défaite, ou encore des criminels qui ne seront pas extradés, et que sais-je encore. Mais tous ont un objectif commun : devenir riches.

Nous allons alors suivre la progression de deux Américains que beaucoup de choses séparent mais qui vont pourtant faire ce bout de chemin ensemble.

D’un côté Benjamin « Ben » Trane (Gary Cooper donc), Sudiste, propriétaire d’une plantation et qui a tout perdu pendant la guerre. De l’autre, Joseph « Joe » Erin (Burt Lancaster, alors), bandit jeune et faussement insouciant. Tous deux sont de très bonnes gâchettes et le duel final nous dira lequel est le meilleur.

Et que font-ils au Mexique ? Ils aident l’empereur fantoche Maximilien (George Macready) à conserver son trône en convoyant la comtesse Marie Duvarre (Denise Darcel) une aristocrate française, à regagner l’Europe pour y lever des armées en renfort.

Et ce faire, elle a à sa disposition 3.000.000 de dollars qu’elle a emmenés avec elle.

Et rapidement, ces quelques millions deviennent beaucoup plus intéressants que les 50.000 qu’avait prévu d’offrir à nos deux compères pour les remercier de leur aide. Surtout qu’en plus, il n’est pas vraiment question qu’ils touchent un jour de cet or, on leur a plutôt prévu du plomb.

 

A première vue, l’intrigue paraît classique, sauf que nos deux héros ne le sont pas vraiment, surtout Erin qui a à son actif (ou passif, cela dépend du point de vue) quelques crimes pendables, surtout dans cette Amérique où la justice est encore bien sommaire, mais surtout expéditive. Mais c’est plus dans les personnages qu’il faut trouver une sorte de nouveauté (2).

Il faut dire que la bande de Joe Erin est composée d’un beau ramassis de truands aux mines patibulaires, comme on en trouvera quelques années plus tard dans les films de Leone (3).

Parmi ces personnages franchement louches, on reconnaît d’ailleurs Ernest « Marty » Borgnine et une « jeune » acteur d’origine polonaise qui se fait encore appeler ici Charles Buchinsky et deviendra très bientôt Bronson.

 

Mais ces personnages ne sont pas tout : les différentes situations sont peu glorieuses pour des cowboys américains, et seul Gary Cooper sort du lot dans son attitude de gentleman du Sud aux manières fort courtoises et aux rudiments de français qui font plaisir à la comtesse.

Une scène très caractéristique du décalage avec les westerns contemporains de celui-ci, c’est la réception chez Maximilien :

Ces drôles de « gentlemen » y sont conviés, l’appelant déjà Max, et se conduisent d’une manière des plus étonnantes, voire y détonnant complètement.

Il faut dire que rapprocher des femmes et hommes en tenue de bal avec ces barbares pas rasés, sales et très certainement puants est une très bonne idée. A cet aspect fort rebutant s’ajoute une totale absence de discrétion qui transforme cette rencontre tout sauf un bal, amenant le sourire au spectateur.

 

Autre  changement de ton : la violence.

Aldrich va beaucoup plus loin que ses collègues cinéastes de l’époque dans le rendu de la violence. En effet, habituellement, ce sont échanges de coups de feu divers qui émaillent les films, comme ici, mais Aldrich va plus loin en proposant des scènes un peu plus crues qu’à l’accoutumée.

Certes, on ne voit pas beaucoup de sang couler, c’est encore trop tôt, mais on devine parfois une certaine sauvagerie chez ces hommes de peu de foi (à défaut de loi), jusqu’à Burt Lancaster (qui est aussi producteur, soit dit en passant) qui élimine de façon fort peu cavalière le capitaine

 

[Attention : le paragraphe qui suit et conclut cet article révèle la fin. Si vous ne voulez pas savoir, je vous donne rendez-vous à demain…]

 

Mais malgré tout cela nous sommes en 1954, et il n’est pas question qu’un méchant s’en sorte. Aldrich conclut alors avec un duel traditionnel et le moins corrompu des deux va s’en sortir.

Bien sûr, c’est Gary Cooper qui, comme le rappelait un internaute récemment, n’a jamais interprété de rôles négatifs dans toute sa carrière.

D’une certaine façon, la morale est sauve, mais Aldrich nous a tout de même montré qu’il était possible de faire autre chose de ce genre immortel du cinéma.

 

 

PS : On retrouvera d’ailleurs dans Les 12 Salopards ce même ton et ce même décalage avec l’idéal du film de guerre. En effet, les 12 choisis et d’une certaine mesure leur instructeur (Lee Marvin) ne sont pas des guerriers conventionnels, tout du moins comme on a l’habitude (en 1967) de les voir à l’écran.

 

  1. Je sais : c’est surtout Lucky Luke qui fait ça. Mais tout ça se tient : c’est dans cette décennie que Goscinny rejoint Morris (1955) pour lui offrir les plus belles aventures de son héros solitaire.
  2.  « La nouveauté. C’est vieux comme le monde ça, la nouveauté » (Anselme Debureau dans Les Enfants du paradis).
  3. Avec Jack Elam qui apparaît ici et sera dans la longue séquence générique de Once upon a Time in the West (1968).
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