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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Justice, #Justine Triet
Anatomie d'une Chute (Justine Triet, 2023)

Si une Palme d’Or, tout comme un Oscar, n’est pas toujours une récompense justifiée (1), celle de Justine Triet l’est pleinement !

C’est un film époustouflant voire bouleversant tant le propos et l’interprétation sont d’une justesse incroyable, le tout mâtiné d’une grande maîtrise technique, ce qui ne gâche rien.

Mais reprenons.

 

Quand Daniel (Milo Machado Graner) rentre d’une promenade avec Snoop son chien (Messi), il découvre une forme allongée par terre, entourée d’une autre rouge. C’est Samuel (Samuel Theis), son père, qui gît là, mort.

Il appelle sa mère, Sandra (Sandra Hüller) qui ne peut que constater le désastre et appeler – inutilement – les secours.

Il semble que c’est un suicide, mais certains éléments laissent à penser que Samuel n’est peut-être pas tombé accidentellement.

Sandra se retrouve alors jugée pour homicide volontaire sur son mari.

 

Bien sûr, on pense à Otto Preminger et son formidable Autopsie d’un Meurtre (Anatomy of a Murder, 1959), au vu de cette intrigue judiciaire, et pas seulement pour le nom. Mais alors que le réalisateur autrichien racontait le jugement d’un meurtre avéré, Justine Triet, qui a aussi coécrit le scénario avec Arthur Harari, nous montre le jugement d’une possibilité de meurtre. Mais à nouveau, c’est une femme qui est accusée, ici d’avoir frappé et poussé son mari dans le vide.

Mais là s’arrête le parallèle puisque c’est surtout l’avocat (James Stewart) qui est suivi dans le film de Preminger, ici c’est surtout Sandra et son fils qui sont le centre de l’attention. L’avocat (Swann Arlaud), ici, n’a pas de vie personnelle sauf les quelques bribes qu’il rappelle à Sandra qu’il connaît depuis longtemps : il reste exclusivement cantonné à sa profession, et ce malgré le lien fort qui l’unit à cette femme.

 

Et Justine Triet prend le temps pour mettre en place son intrigue, et ce malgré la découverte plutôt rapide du mort. Mais cette exposition succincte est tout de même bien amenée puisqu’on est capable dès la première intervention policière d’avoir une idée de ce qu’il s’est passé. Et cette idée va être exploitée avec beaucoup de justesse : qu’on croit Sandra coupable ou innocente de ce qui lui est reproché, jusqu’au verdict final qui sera annoncé à la télévision (oui, nous sommes au cinéma) on ne pourra pas savoir ce qu’il en est. Et j’aurai tendance à dire, même après ! Mais ça, c’est plus personnel. Toujours est-il que la personne qui m’accompagnait était d’accord pour dire qu’il y avait un débat possible après. Débat que nous avons un tantinet commencé…

 

La grande force du film, c’est bien sûr l’interprétation. Sandra Hüller est magnifique dans le rôle de cette femme qui se bat pour prouver son innocence. Outre le ton – très juste, donc – elle nous montre sa capacité physique à exprimer ses différentes émotions, passant parfois de l’une à l’autre sans transition. A ses côtés, le jeune Milo Machado Graner est un Daniel phénoménal : mal voyant, on assiste avec lui aux différentes phases du procès, et ce malgré la réticence de la juge qui considère que ce n’est pas un lieu pour un enfant. Et surtout, on ressent les mêmes émotions que lui : sa mère est accusée d’avoir tué son père. SI ce n’est pas oedipien, c’est tout de même bien proche ! Et Daniel en plus d’être un enfant très fort psychologiquement, est d’une très grande intelligence, en remontrant même à certains adultes de cet entourage judiciaire.

D’ailleurs, les deux principaux protagonistes judiciaires, l’avocat général (Antoine Reinartz) et celui de Sandra se livrent à une joute oratoire en plusieurs reprises, là encore d’une très grande justesse. Il y a une forte dose d’authenticité dans ce procès qui nous change complètement de ce que nous avons l’habitude devoir dans les films américains. Et quand les avocats interviennent, l’hilarité récurrente qu’on retrouve aussi chez Preminger n’a que très peu de place ici. Et aucun effet de manche ! On reste concentré jusqu’au bout sur les débats et le sens des mots : de toute façon, on ne peut rien faire d’autre puisqu’il n’y a aucun témoin de cette chute !

 

Je terminerai en parlant de la façon de montrer cette affaire judiciaire. IL est important de souligner le travail conjoint de prises de vue et de montage qui donnent çà ce film une autre force qui, jointe aux autres oblige de lui décerner la Palme d’Or. Le rythme du montage est très pertinent et le jeu sur les différents points de vue, s’il peut parfois décontenancer (2), l’est tout autant : entre ce que voient Sandra et/ou son fils, les cadrages de la police judiciaire ou de la télévision, on aurait pu s’étourdir de cette profusion.

Il n’en est rien. Justine Triet mène son film d’une main de maître et on ne peut que l’en féliciter.

Tout comme pour sa Palme d’Or !

 

  1. Non, je ne citerai pas de nom !
  2. Parfois on se demande quand même : « pourquoi ce point de vue ? »
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