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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Guerre, #D.W. Griffith, #Lillian Gish, #Erich von Stroheim
Cœurs du Monde (Hearts of the World - D.W. Griffith, 1918)

Tout commence en 1912, quelque part en France (1). Dans un village deux familles américaines sont voisines. Dans l’une, la Fille (Lillian Gish) qui vit avec ses parents, dans l’autre le Garçon (Robert « Bobby » Harron) avec lui aussi ses parents et trois plus petits frères. Bien entendu, la Fille et le Garçon tombent amoureux et même si la présence d’une jeune musicienne de rue (Dorothy Gish) vient chambouler cette situation (elle tombe sous son charme), les deux amoureux le restent et doivent se marier.

Malheureusement la guerre éclate et le Garçon part combattre. Lors d’une attaque, il est touché et se traîne jusqu’à son village (le front en est proche) et succombe à quelques hectomètres. La Fille le découvre et devient folle.

 

Bien sûr, c’est un film de commande, et donc de propagande : il fallait faire pencher l’opinion publique américaine dans la guerre. Sauf que les Etats-Unis sont entrés dans le conflit pendant le tournage. Qu’importe. Griffith réalise une nouvelle fresque spectaculaire, mettant en scène un nouveau conflit (d’actualité celui-là). Et Griffith retrouve ses réflexes de Naissance d’une Nation, mettant en scène un nouveau conflit (encore plus) meurtrier. D’ailleurs, les intertitres d’introduction font référence au conflit du premier film, accentuant le fait qu’une guerre n’a jamais vraiment réglé les problèmes (2).

 

Mais nous ne sommes pas ici dans un film de dénonciation de ce conflit : au contraire (voir plus haut) ! Et les vues d’ensemble des différents assauts nous montrent que la guerre est belle quand elle est bien filmée. Et surtout quand elle ne concerne que des acteurs qui se relèveront une fois la caméra éteinte. Si l’aspect mortifère de la guerre est bien rendu, à aucun moment il n’est donc dénoncé, les soldats partant gaiement se faire tuer, sans aucun état d’âme. Et les seuls « profiteurs » de guerre qu’on rencontre, ce sont des espions installés dans le village.

Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’il est question de se débarrasser des armées allemandes, antidémocratiques, véritable personnification de la barbarie. Encore une fois, on n’hésite pas à qualifier les soldats allemands de Huns, montrant sans hésitation leur cruauté.

Cette cruauté va même se retrouver sur une affiche du film qui voit la Fille fouettée par un sous-officier allemand (George Nichols) : elle n’arrive pas à soulever un baquet rempli de pommes de terre…

 

Mais cette cruauté n’est pas aussi exacerbée que dans un autre film de cette même année 1918 : The Heart of Humanity, avec cet officier allemand abject interprété par Erich von Stroheim. Ce dernier est déjà bien présent sur le tournage, accumulant les casquettes : acteur – il interprète un officier pleinement prussien avec monocle et rigidité légendaire (3), assistant au réalisateur et conseiller technique.

Et bien sûr, ce sont les sœurs Gish qui sont à l’honneur, chacune dans sa spécialité, véritable double face d’une même pièce : d’un côté Lillian en personnage de tragédie, et Dorothy pour la comédie, élément comique (ce que les anglophones appellent comic relief) indispensable au ton grave du film.

 

Parce que malgré tout, Griffith ne ménage pas ses effets, exposant (presque) crûment les ravages de la guerre (auprès des individus comme des paysages), mêlant habilement les images réelles et celles qu’il tourna sur place ou en Angleterre, intégrant des regards de soldats qui n’ont absolument pas l’air d’acteurs : ce sont de véritables combattants et il se trouvait très certainement parmi eux certains qui ne sont pas revenus du front…

Mais nous sommes au cinéma, et en plus chez Griffith, alors l’histoire d’amour l’emporte sur le reste et nous avons même droit à l’incontournable sauvetage de dernière minute.

Nous avons aussi quelques beaux moments de cinéma, Billy Bitzer, même s’il n’a pas pu aller en France, restant tout de même le cameraman attitré de Griffith : les premières retrouvailles entre la Fille et le Garçon (qu’elle croit mort) pour une improbable nuit de noces est un moment très émouvant, et alors que les plans (très) rapprochés de Lillian Gish s’enchaînent avec plus ou moins de bonheur (4), ici on reste à distance, évitant d’insister sur l’aspect pathétique de la séquence.


Quoi qu’il en soit, l’issue de la guerre est claire pour Griffith : la victoire. Et la dernière séquence qui voit l’armée américaine défiler dans le village libéré (5) ne laisse plus aucun doute possible. Pourtant, il faudra encore attendre quelques mois avant que les combats cessent, et encore plus longtemps pour qu’un accord de paix soit signé. Avec les conséquences que l’on connaît. Mais là, ce n’est plus une autre histoire, c’est carrément l’Histoire !

 

  1. Dans l’Est si j’ai bien compris…
  2. Monsieur Griffith est seul responsable de ses convictions.
  3. Sans le corset qui fera sa légende (La grande Illusion).
  4. A un moment, son (très) beau visage marqué  par la tragédie se rapproche beaucoup trop de la grimace.
  5. Par elle, cela va de soi ! (non, je plaisante, mais on n’en est tout de même pas loin…)
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