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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Comédie, #Ernst Lubitsch, #Greta Garbo
Ninotchka (Ernst Lubitsch, 1939)

1930 : Garbo parle (1).

1939 : Garbo rit (2).

Enfin, il faut tout de même attendre la 47ème minute du film pour la voir enfin rire. Et attention : elle ne fait pas semblant (3). C’est un rire franc et massif suite à une situation burlesque. C’est un rire qui dévaste tout et surtout qui libère son personnage de camarade soviétique des plus austères.

Mais reprenons.

 

Iranoff (Sig Ruman), Buljanoff (Felix Bressart) et Kopalski (Alexander Granach) débarquent à Paris pour vendre les bijoux de la famille impériale. Mais la grande duchesse Swana (Ina Claire) n’entend pas les laisser faire : elle envoie le comte Leon d’Algout (Melvyn Douglas) négocier avec les trois soviétiques. Acculés, ces trois compères font appel à Moscou qui leur envoie un agent spécial pour reprendre la main et mener à bien les négociations : Nina Ivanovna Yashukova (Greta Garbo), une camarade rigoureuse et dogmatique.

Cette dernière rencontre fortuitement d’Algout et ne semble pas totalement insensible à son charme…

 

Il aura fallu attendre 15 ans pour voir enfin la Divine rire et surtout jouer dans une comédie. On se dit alors qu’on a perdu tout de même beaucoup de temps : on aurait aimé la voir participer à d’autres, mais malheureusement, c’était l’avant-dernier film de la star qui tournera un dernier film (une autre comédie) avant de tirer un trait définitif sur sa carrière (prestigieuse).

C’est bien dommage, parce qu’elle nous montre ici qu’elle savait aussi faire rire (4), sans pour autant perdre son charme extraordinaire. Les trois premiers quarts d’heure semblent d’ailleurs un supplice pour Ninotchka (diminutif de Nina) d’avoir à conserver un visage de marbre face à un d’Algout en verve et séduisant.

 

Mais revenons sur l’éclat de rire. Jamais cette expression n’a aussi été pertinente parlant de Garbo. Avec ce rire sonore, c’est comme une libération pour la belle Greta, reniant toutes ces tragédies auxquelles elle participa et dont elle fut (enfin son personnage) la plupart du temps la cause. C’est le sérieux indispensable de tous ces autres films qui est évacué par ce rire que tout le monde attend dès les rugissements du lion (5).

Et pourtant ce n’était pas gagné : alors que les trois camarades qui ouvrent le film font immanquablement sourire, l’arrivée de Garbo est un grand moment d’austérité et de visage froid. Bien sûr, le contraste avec ses trois compatriotes nous amuse, mais son masque est éloquent : elle n’est pas venue pour rigoler, surtout quand elle va s’apercevoir de la situation dont elle hérite, sans oublier les dépenses somptuaires liées à l’hôtel fréquenté et surtout sa « suite royale ».

 

Mais nous sommes chez Lubitsch, et tout va s’éclairer. Ce seront tout d’abord des petits riens qui vont s’accumuler (un chapeau notamment), des petites touches que Lubitsch va étaler sur sa toile (6) pour nous proposer une comédie subtile sans tomber dans un anticommunisme primaire qu’on aurait pu craindre.

Il faut dire qu’il a aussi à sa disposition deux pointures au scénario : Charles Brackett et Billy Wilder (rien que ça !) qui va bientôt repasser derrière la caméra (7) pour notre plus grand plaisir.

 

Alors on s’amuse. Beaucoup. De cette histoire un tantinet absurde où malgré tout l’actualité reste présente et baigne certaines conversations : les conditions liberticides de la Russie soviétique, la famine, les conditions pas tellement plus reluisantes de l’ancien régime… Et en prime la présence de deux nazis dans la gare pendant que les trois hurluberlus attendent leur camarade. Cette anecdote jette un froid dans le film, et pas seulement pour le trio. Quand on sait que Lubitsch et Wilder n’étaient pas les bienvenus dans leur propre pays…

Oui, on s’amuse beaucoup, mais on ne peut s’empêcher de regretter de ne pas avoir proposé plus tôt à Garbo des rôles plus légers qui l’auraient certainement rendue plus humaine. A moins que ce ne soit « laissé plus tôt Garbo tourner dans des comédies un tantinet légères »…

Elle en eût été plus humaine, mais alors : moins divine ? (8)

 

  1. Anna Christie.
  2. Entre nous, elle rit déjà dans Queen Christina
  3. Si, quand même : nous sommes au cinéma…
  4. D’aucuns (dont je fais partie) vous diront qu’il est beaucoup plus difficile de faire rire que pleurer.
  5. Garbo était à la MGM.
  6. Analogie pertinente.
  7. Il avait tourné un premier film en 1934 (Mauvaise Graine) avant de se concentrer sur l’écriture.
  8. Ca fait beaucoup de notes de bas de page, non ?
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