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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #John Ford, #Western, #John Wayne
Le Fils du désert (Three Godfathers - John Ford, 1948)

Encore un western ?

Pas vraiment.

Si le cadre est celui du genre, le propos va au-delà du western traditionnel.

Certes, tout commence bien pour ces trois hommes qui arrivent à Welcome, Arizona (1) : outre le panneau d’entrée, la première maison qui retient leur attention appartient à un certain B. Sweet (Ward Bond). Littéralement : « soyez doux » (2).

Et ce B. Sweet se prénomme plutôt Buckley ou Buck, voire Pearley, pour sa femme Carrie-Lou (Mae Marsh).

Sauf que cet homme si « doux » n’est autre que le shérif de Welcome.

Et surtout que les trois étrangers qui viennent d’arriver sont de bandits de grand chemin qui ont rendez-vous avec la banque afin d’y clore définitivement tous les comptes.

En fuite, les trois hommes croisent sur leur chemin un chariot dans lequel une femme (Mildred Natwick) meurt après avoir mis au monde un petit garçon.

Comme les trois hommes l’ont aidé pour ses derniers instants, elle les choisit comme parrains pour son enfant, donnant leurs trois prénoms : Robert (John Wayne), William (Harry Carey Jr.), Pedro (Pedro Armendariz).

Va alors commencer une autre traversée du désert, une traversée pour la vie de cette enfant, que ces trois canailles vont protéger sur leur vie.

 

C’est un remake – Marked Men (1928) – mais comme le premier film est perdu, nous devons nous contenter de celui-ci. Mais je ne crois pas qu’on y ait perdu au change.

En effet, John Ford signe ici l’un de ses westerns les plus émouvants, voire humanistes.

En effet, cette responsabilité inattendue qui tombe sur ces trois fripouilles va au-delà de ce qu’on attend d’un western traditionnel. Pensez donc, trois bandits qui donneraient leur vie pour un petit bout d’homme !

En outre, on pense bien sûr au Three bad Men du même Ford, où trois canailles (sublimes disait le titre français) se sacrifient avec panache.

 

Mais cette traversée du désert est on ne peut plus symbolique et le western devient alors parabole et les trois parrains (le titre original) deviennent les trois rois mages, voire le peuple hébreux conduit dans le désert par Robert « Moïse » Hightower.

D’une manière générale, le film fait de nombreuses références à la Bible, que ce soit par les situations ou les paroles : plusieurs citations émanent de la Bible, dont le célèbre psaume 137 (3).

Sans oublier le but du voyage : New Jerusalem. Et si vous en voulez encore, le jour de l’arrivée de Robert (le grand) et Robert (le petit) n’est autre que Noël…

 

Et pourtant, cela reste un western, mais avec tout ce qui fait habituellement le monde de John Ford, ce microcosme plus vivant que la vie avec ses personnages indispensables : le shérif bien sûr, mais aussi le pianiste du saloon (Richard Hageman), le juge débonnaire (Guy Kibbee), le poivrot de service (encore une fois c’est Francis Ford, le frère de), le chef de train (Jack Pennick, fidèle au poste) et bien sûr le vieux grincheux, Curly (Hank Worden) qui, comme son nom ne l’indique pas (« frisé, bouclé ») est chauve.

Bref, nous avons tous les ingrédients pour un magnifique western et c’est encore plus que cela.

Chaplin, en présentant The Kid, avait promis aux spectateurs : « un film avec un sourire, et peut-être une larme ». Cette assertion sert absolument ce film, tant on passe tout naturellement du comique au tragique, progressivement.

 

Comique parce que voir ces trois grands bandits assurer la survie d’un bébé est très drôle, surtout quand ils suivent – à la lettre ou presque – les conseils d’un obscure pédiatre, avec lequel Robert surtout n’est pas beaucoup d’accord. Il est d’ailleurs très amusant de voir John Wayne mal à l’aise avec cet enfant tombé du ciel (4), alors qu’il avait lui-même à l’époque déjà 4 enfants !

 

Et puis il y a le moment de bravoure qui dure plus de la moitié du film : la traversée du désert vers la Terre Promise (voir plus haut).

Il  est évident que le tournage fut épuisant : le Désert de Mojave, La Vallée de la Mort (et Lone Pine).

C’est du désert à perte de vue, avec tempête de sable et soleil de plomb : John fut même hospitalisé. C’est dire.

 

Au final, c’est un western inoubliable où Ford met (presque) de côté les antagonismes habituels, évitant ainsi le côté manichéen du genre, et surtout, comme dans plusieurs films (Stagecoach, entre autres, puisqu’il y a John Wayne), les gentils ne sont pas toujours là où on les attendait, et être hors-la-loi n’empêche pas d’être homme d’honneur et de principes.

 

Un grand film !

 

 

PS : le bébé filmé par John Ford pour le film s’appelle Amelia Yelda. Elle doit avoir à peu près 70 ans aujourd’hui…

 

  1. Un patelin qui s’appelle « Bienvenue », on ne peut rêver mieux comme accueil.
  2. N’est-ce pas professeur Allen John ?
  3. « Super flumina Babylonis illic sedimus et flevimus cum recordaremur Sion » (vous chercherez la traduction, mais je vous donne un indice : un groupe de disco (hum…) en a fait un tube…
  4. Bien sûr, puisque pendant toute cette séquence autour de la naissance, brille dans le ciel une étoile. Cette étoile, c’est aussi le souvenir de Harry Carey, qui mourut avant le film qui lui est dédié : « To the memory of Harry Carey, bright Star of the early western sky. » Et si son fils joue dans ce film, c’est tout de même John Wayne qui reprend son rôle.
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