L’Expérience était un film allemand de 2001. Celui-ci en est le remake.
Paul Scheuring, après avoir tourné Prison Break, reprend le thème pénitentiaire dans une tout autre dimension : il s’agit d’une illustration de l’expérience de Stanford où un groupe d’hommes avait été enfermés dans une prison, une partie d’entre eux étant les gardiens et une autre (la majorité) des prisonniers.
Il va sans dire que cette expérience a raté, interrompue au bout de six jours sur les quatorze prévus.
Dès la première séquence, Scheuring nous plonge dans un bain de violence : nous voyons des affrontements entre animaux de différentes espèces mais aussi classes (des insectes, des poissons, des mammifères…) entrecoupés par des affrontements tout aussi violents mais cette fois concernant les hommes : manifestations, camps de concentration, lynchages…
Cette séquence met dans le bain, certes, mais c’est un bain très glacé, voire fangeux, prémonitoire aux images qui vont suivre. (1) A partir de là, un malaise va s’installer et grandir en même temps que la situation va se détériorer.
Travis (Adrien Brody) est un jeune homme fauché qui vient d’être licencié. Dans une manif, il rencontre une jeune femme agressée par un petit bourgeois. Ils se plaisent, mais elle doit s’en aller. Sans argent pour la rejoindre (en Inde !), il accepte de participer à l’expérience du titre.
Son engagement pour la paix le fait tout naturellement se retrouver du côté des prisonniers, pendant que Barris (Forest Whitaker) qui, à 42 ans, vit toujours chez maman, décide de participer afin de se sortir de cet univers prégnant : sa mère est malade et autoritaire, on a un Norman Bates en puissance devant nous !
Et Barris, toujours au service de Maman, se retrouve chef des gardiens, secondé par quelques acolytes aux mœurs pas toujours bien claires.
Cette expérience, nous en sommes sûrs dès le début, va tourner au fiasco : les images des affrontements nous ont préparés à ça. En effet, si les animaux dits « inférieurs » usent de la force, c’est pour survivre (manger, se protéger) ou en vue de se reproduire. Alors que l’homme, cet animal qu’on dit « évolué » a plus tendance à tuer son prochain pour des raisons indépendantes de sa survie : une guerre n’a jamais été une bonne excuse. Il n’y a pas de guerre juste.
Alors on voit une situation qui démarre comme un jeu de rôle, où chacun pense pouvoir se faire 14.000 dollars aisément. Quatorze jours, c’est vite passé. Sauf que dès le premier jour on assiste à un accident : un ballon envoyé à un « gardien » qu’il ne saisit pas. Son nez saigne et le chef des gardiens secondé par Chase (Cam Gigandet), un obsédé sexuel, institue une première punition, en rapport avec l’infraction commise : petite punition pour un petit accident.
Mais une fois le doigt dans l’engrenage, la pression et la violence montent et les punitions morales tournent vite à la violence : il me semble qu’à cet instant, l’expérience est concluante.
Mais elle va durer six jours, avec une violence toujours grandissante, jusqu’à l’irréparable, qui va signer la fin de l’expérience et le retour à la vie « normale ».
Mais comment peut-on revenir à une vie normale une fois l’expérience terminée. Le film de Scheuring termine sur note peut-être un tantinet optimiste, je n’en suis pas complètement convaincu.
Pour le reste, on reste sur le malaise entrevu dès le début : entre voyeurisme et expérience scientifique.
Certes la montée en puissance est très bien menée, on ne nous épargne aucun élément des films carcéraux : de la brimade à la torture, sans oublier bien sûr la sexualité.
C’est un film brutal à tout point de vue. La lente dégradation des rapports qui deviennent de moins en moins humains atteint des proportions à la limite du supportable.
Adrien Brody et Forest Whitaker sont remarquables, et les autres acteurs sont aussi très justes dans leur jeu : Whitaker en chef des bourreaux et Brody en figure christique jusqu'à la révolte inévitable.
Au milieu de cette violence qui s’intensifie, on retrouve la belle Bay (Maggie Grace), flânant dans les marchés d’Inde, où les couleurs sont éclatantes de vie, en totale contradiction avec l’univers épuré de la prison où les couleurs ternes tendent plus vers le noir et blanc, avec juste ce qu’il faut de rouge pour le sang.
Un film implacable et un peu dérangeant : à découvrir.
Ou pas.
(1) En « prime », avant les premières images du film, une société de production intitulée Natural Selection avec deux éléphants qui se rentrent dedans tête baissée.