Il est clair que le terme rapaces est plus accrocheur que structures. Mais en proposant ce titre, le traducteur empiète sur l’intrigue, réduisant le film à une histoire d’intérêt(s).
Parce qu’il s’y a des (gros) intérêts en jeu, ce n’est pas là qu’est le sel de cette intrigue…
Fred Staples (Van Heflin) vient d’être embauché par le magnat Walter Ramsey (Everett Sloane) : il vient de quitter un site dans l’Ohio pour la grande ville et une structure plus ambitieuse : ça tombe bien, il est un jeune homme dynamique et ambitieux. Mais dès son premier jour, une forme de malaise s’installe : la secrétaire qu’on lui a attribué, Marge Fleming (Elizabeth Wilson), travaillait depuis sept ans avec le numéro 2 de la boîte, Bill Briggs (Ed Begley). Par ailleurs, les fonctions de Staples empiètent sur celles de ce dernier.
Normal : Ramsey veut se débarrasser de Briggs, un de ceux qui ont créé le groupe avec son père.
Mais Biggs ne veut pas partir.
Adapter la télévision au cinéma n’est donc pas une chose nouvelle : ce film est basé sur un téléfilm de l’année précédente où certains interprètes ont rempilé – Sloane et Begley, pour ne citer qu’eux. Mais si le public a boudé ce film à sa sortie – les gens ne voulaient pas payer pour quelque chose qu’ils avaient vu gratuitement - il a eu bien tort. Fielder Cook signe ici son premier long métrage et s’il s’appuie sur une distribution mitigée – peu de véritable star, excepté Van Heflin – il arrive tout de même à un très bon résultat, en partie dû à cette distribution, mais aussi à l’intemporalité de l’intrigue.
L’intrigue, pas les décors ni les costumes : nous sommes en pleines années 1950s, période faste par excellence – pour un peu moins de vingt ans encore – et l’argent est au cœur des préoccupations de ces hommes – les femmes se contentent d’être secrétaires ou femmes au foyer – à n’importe quel prix (c’est le cas de le dire).
Staples, tout comme Ramsey, représente l’avenir du groupe : du neuf et surtout plus de dividendes et de parts de marché. Briggs, c’est le passé. Il a 62 ans et se bat contre Ramsey au nom des vieilles valeurs qui ont fondé ce groupe. Ramsey, lui, est cet héritier qui devait ronger son frein en attendant que son « vieux » casse sa pipe pour pouvoir prendre sa place.
Une fois cette question résolue, il dirige d’une main de fer, défaisant systématiquement ce qu’avait pu faire son père avant lui. C’est là qu’est le fondement de l’opposition qui le voit affronter Briggs, ce vieux dinosaure d’une autre époque.
Et au milieu se trouve Staples : d’un côté, il apprécie beaucoup Briggs et sa dimension humaine, mais de l’autre, il ne peut oublier que le grand patron reste Ramsey. Et ses convictions se heurteront toujours à l’intransigeance de ce dernier qui n’a qu’une seule envie : que Staples remplace Briggs.
Et la manière utilisée par Ramsey pour écarter Briggs n’a rien de nouvelle et peut aisément se retrouver dans certaines entreprises actuelles où on pousse parfois certains cadres à la démission (1) : ici, Ramsey parviendra à ses fins avec brio (2), et Cook termine cette séquence par une caméra subjective très pertinente.
Seulement voilà : deux ans plus tôt, un certain Robert Wise avait signé Executive Suite où l’intrigue avait tendance à ressembler à celle-là et surtout où on assistait à un même plan subjectif… Plagiat ? Non (3). Mais on peut imaginer que Wise a inspiré Cook. Quoi qu’il en soit, le film de Wise avait une distribution autrement prestigieuse et il faut avouer que celle de Cook se défend bien.
Outre Van Heflin – qui a troqué son stetson et ses bottes pour un complet veston – qui réalise encore une fois une belle prestation, on ne peut que saluer celle d’Ed Begley (3) en Briggs tiraillé entre le passé et le présent – il ne parle à aucun moment d’avenir, ce qui lui sera donc fatal –, père sur le tard – son fils (Ronnie Welsh) est encore adolescent –, trop vieux dans ce monde en mouvement où l’argent reste la principale préoccupation.
Everett Sloane est, encore une fois, un personnage peu recommandable et ses affrontements avec Briggs sont superbes, réussissant à effacer le fait que Begley et lui n’avaient que huit ans d’écart, et même que Van Heflin était plus âgé que lui (1 an d’écart).
Au final un film fort sur ce que peuvent être les différentes structures d’un groupe industriel important, où l’argent règne en maître et où, pour éviter d’en perdre, on préfère sacrifier les travailleurs…
Près de 70 ans après, les choses ont peu évolué : les femmes ne sont plus seulement secrétaires.
- Quand ce n’est pas plus… Hélas !
- Si on se place de son côté, autrement on peut trouver cela abject.
- Ne l’ayant pas vu, je ne développerai pas. Quoi qu’il en soit, il n’y a eu aucune procédures judiciaires dans ce sens.
- On le retrouvera dans 12 Hommes en colère : c’est le juré n°10, bourré de préjugés.