Bienvenue chez les Harrington : le père (Dell Henderson), la mère (Marie Dressler), Grace (Jane Winton) la fille aînée, et Patricia (Marion Davies) la fille puînée. Bien qu’elle semble être une famille américaine typique, on peut noter toutefois quelques dysfonctionnements : le chef de famille est une cheffe ; et la fille puînée est constamment dévalorisée par rapport à sa grande sœur, par cette même cheffe. En clair, c’est sur elle que tout retombe toujours (1).
Tony Anderson (Orville Caldwell) est le petit ami de Grace et visite souvent la maison Harrington. Hélas pour elle, Patricia est très amoureuse de ce même Tony, au grand dam de Ma Harrington.
Voici que débarque le séduisant (homme à femmes) Billy Caldwell (Lawrence Gray) : Grace va évidemment tomber sous son charme et laisser alors la place à sa sœur. Mais Tony remarque à peine Patricia. Toutefois, il veut bien l’aider à conquérir l’homme qu’elle aime (lui, donc). Elle doit changer de personnalité.
C’est ce qu’elle va faire… Et elle ne sera pas la seule !
Je ne le répéterai jamais assez : on a sous-estimé le talent de Marion Davies ! Encore une fois, dirigé par un poids lourd du cinéma (sa première véritable collaboration avec le formidable King Vidor), elle nous montre toute l’étendue de son talent comique ce qui n’est pas peu dire : il est toujours plus facile de faire pleurer que de faire rire, et Marion Davies savait faire les deux choses. Elle est donc éblouissante d’un bout à l’autre du film, se payant la tête au passage de quelques actrices et non des moindres : Mae Murray, Pola Negri et Lillian Gish ! Cette séquence est d’ailleurs irrésistible : elle va se grimer sommairement pour leur ressembler afin d’attirer l’attention de Caldwell. Irrésistible (encore une fois !).
Mais n’oublions pas que si une actrice principale est très bonne, c’est avant tout parce qu’elle est bien entourée. Et c’est bel et bien le cas ici. Outre Dell Henderson qui est un père aimant lui aussi assez irrésistible, il faut souligner (de nombreux traits) la performance de Marie Dressler. Elle est absolument épatante dans ce rôle de femme forte (et forte femme), rabrouant sans cesse sa petite fille, livrant une joute comique formidable. Et dire qu’elle avait failli en finir avec le cinéma – et la vie en même temps ! On peut rendre un bel hommage à Allan Dwan qui lui a proposé ce rôle pour Vidor : non seulement elle est repartie de plus belle dans la carrière, mais en plus, elle nous livre ici une prestation de haute volée, formant un duo phénoménal avec Marion Davies.
De plus, Vidor dirige avec beaucoup de brio cette comédie très enlevée, au rythme débridé grâce au superbe travail de montage de Hugh Wynn, (son monteur attitré jusqu’à The Champ en 1931), malheureusement disparu trop tôt (2).
Certes, le film est centré sur Davies – normal, elle produit, ainsi que son bon ami Hearst – mais force est de constater qu’elle réussit – encore une fois – à faire passer de nombreuses émotions et si on devine dès la séquence d’ouverture la résolution de l’intrigue, c’est encore une fois le talent de Marion Davies qui nous transporte constamment, nous faisant presque douter de l’issue heureuse inévitable.
Bref, une de ces comédies de transitions à la suite du burlesque et avant le parlant (Le Chanteur de Jazz est sorti depuis 5 mois déjà) qu’il faut absolument (re)découvrir : 88 minutes de bonheur et une Marion Davies incroyable.
Et cette comédie illustre bien le fait que si vous voulez que les gens changent, il vous faut d’abord changer vous-même !
- The Patsy peut se traduire par « le bouc émissaire ».
- En 1936, il n’avait que 38 ans.