1954.
Edward « Ted » Daniels (Leonardo diCaprio) arrive sur Shutter Island (au large de Boston) avec son partenaire Chuck Aule (Mark Ruffalo).
Sur Shutter Island, on garde les criminels très dangereux pour les soigner.
Mais une pensionnaire s'est échappée. Daniels et Aule sont là pour la retrouver.
Mais que se cache-t-il derrière cet établissement aussi particulier ? Traite-t-on réellement les patients pour leurs symptômes, ou essaie-t-on d'autres expériences, comme ont pu le faire - par exemple - les nazis dans les camps de concentration ?
Cette histoire se situe à la fin de la Peur Rouge : quand les Américains avaient peur d'une invasion communiste et qu'ils recherchaient au sein de leurs administrations et autres organismes d'éventuels espions, le tout chapeauté par l'ineffable MacCarthy...
Mais si cette pseudo-menace est évoquée, c'est avant tout une autre expérience traumatisante qui est présente dans l'esprit de Daniels : la libération du camp de concentration de Dachau, en avril 1945.
C'est cette expérience traumatisante qui donne la tonalité du film. Daniels rêve du camp, éveillé ou non. Il ne peut chasser de son esprit les cadavres dans la neige. Le film, prenant surtout le point de vue de Daniels, montre le complexe de santé comme un nouveau camp de concentration : l'arrivée dans une allée bordée de lampadaires noirs, l'entrée par une grille à double battant derrière laquelle se tient le bâtiment principal... Tout est là pour rappeler l'expérience traumatisante de Daniels. Cela va aussi nous donner une orientation pour l'histoire terrible que nous allons voir.
Cette évasion devient un prétexte pour Daniels : retrouver le dingue qui a tué sa femme en incendiant leur maison.
Mais les portes se ferment et les esprits aussi. Il n'y a pas de véritable collaboration. Finalement, les deux hommes doivent lutter seuls pour découvrir une vérité qu'on leur cache.
Martin Scorsese nous livre un nouveau thriller assez déroutant. Mais c'est surtout parce qu'il se passe dans un institut psychiatrique pour criminels endurcis. Et plus Daniels avance dans son enquête (et nous avec), plus la situation s'embrouille. Mais il faut dire qu'il y a de quoi devenir fou. Et les deux pontes qui semblent diriger l'établissement - Ben Kingsley et Max von Sydow - sont inquiétants à souhait. Surtout von Sydow.
Et petit à petit, Scorsese place les indices nécessaires à la révélation finale (parce qu'il y en a une). Ce sont des détails, des histoires, des personnes : des clés permettant de trouver la solution de cette énigme.
Et cette révélation finale (qui ne devrait donc pas en être une) tombe sur Daniels comme la foudre pendant la tempête qui secoue l'île. Et sur nous aussi. Pourtant, si on est bien attentif...
La scène-clé est celle où Daniels rencontre George Noyce (Jackie Earle Haley), dans le pavillon des patients (encore) plus dangereux. Et comme Noyce n'est pas là par hasard, il est difficile de suivre le fil de cette histoire tellement décousue. Mais qui pourtant se tient admirablement.
Il faut aussi dire que la distribution est à la hauteur de l'intrigue : Leonardo diCaprio est extrêmement convaincant de ce rôle de policier déphasé. Après vingt ans avec Robert de Niro, Scorsese a trouvé son remplaçant : de Gangs of New York au Loup de Wall Street, Leonardo nous offre des personnages que de Niro ne pouvait plus jouer, l'âge étant un facteur irrémédiable...
Mais là encore, n'attendez pas de happy ending, c'est Scorsese. Au mieux, il retournera à son point de départ, au pire...
Mais là encore, cette « fin » peu glorieuse est totalement assumée par Daniels. Comme elle l'avait été par Henry Hill (les Affranchis) ou encore Sam Rothstein (Casino).
Un film à revoir.