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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #D.W. Griffith, #Lillian Gish, #Erich von Stroheim, #Tod Browning
Intolerance (D.W. Griffith, 1916)

 

 

Après Naissance d’une Nation, Griffith, blessé par les attaques de ceux qui avaient considéré son film raciste (à juste titre, tout de même), décide de montrer à l’Amérique (et donc au monde entier) qu’il est un humaniste, un chantre de la tolérance.

Et son film, à cet égard est une réussite.

D’ailleurs, à tous les égards, ce film est une réussite.

C’est une distribution (réellement !) somptueuse qui interprète ces quatre histoires qui n’en font (presque) qu’une, exemples flagrants de l’intolérance à travers le temps et l’espace.

Ce sont quatre histoires qui nous sont racontées, chacune apportant son lot d’intolérance, de méchanceté, de jalousie et de violence, avec au bout, hélas, la mort.

 

Je ne vous parlerai pas de la structure en miroir du film ce serait trop long (3 heures découpées magistralement), mais sachez que tel est le cas.

La première histoire concerne l’époque moderne, enfin celle de 1915-16, c’est à dire au moment où fut tourné et présenté le film. On y voit une jeune femme (Mae Marsh est ses magnifiques yeux bleus) qui, à la mort de son père épouse un truand repenti (Robert Harron). Ce dernier étant accusé faussement de meurtre, il est emprisonné et des bigotes décident que ola jeune femme ne peut plus décemment s’occuper de son bébé et le lui font donc retirer.


En remontant dans le temps, on s’arrête à la Saint Barthélémy (1572) où les catholiques français ont montré qu’ils n’avaient rien à envier aux intégristes de tout poil et ont massacré (au nom de Dieu, comme d’habitude) tous les protestants qui croisaient leur chemin.

Toujours plus tôt dans l’histoire, on assiste à la passion de Jésus (Howard Gaye), condamné par les Pharisiens, puis les Romains (n’oublions jamais que ce sont eux qui l’ont exécuté, n’en déplaise aux croyances médiévales qui ont encore cours aujourd’hui). Et au repère le plus lointain de l’Histoire, on trouve Babylone dirigée par  Balthazar (Alfred Paget), adepte du culte d’Ishtar, déesse de l’amour, attaqué par le Perse Cyrus (George Siegmann), ce dernier aidé par les prêtres babyloniens du culte de Bel, jaloux d’être déconsidérés.

Pour chaque histoire, une forme d’intolérance amenant ruine et désolation, surtout à Babylone. Et intercalé au milieu de cette fureur, une femme (Lillian Gish) qui balance un berceau, pendant que le monde court à sa perte. Et comme l’a écrit William Ross Wallace :

« For the hand that rocks the craddle is the hand that rules the world. » (La main qui berce l'enfant est la main qui dirige le monde)

 

Mais au-delà de ce film très moraliste où les intolérants (intégristes ?) de tout poil sont fustigés, c’est avant tout un film magistral qu’il nous est donné de voir. C’est un festival de séquences spectaculaires, le summum étant atteint lors de l’assaut des armées de Cyrus contre Babylone. Rarement, à cette date, a-t-on vu tant de déchaînement de violence sur un écran. Le Vol du grand rapide, qui montrait un homme armé tiré sur les spectateurs est une bluette, comparé à ce film gigantesque.

Parce que c’est un film où le gigantisme est absolu : la reconstitution de Babylone est époustouflante. Les combats qui y ont lieu sont alors dans la même teinte : énorme, terrible, affreux…
Ce sont des têtes qu’on coupe, des lances qui transpercent des soldats, des flèches assassines… Une véritable galerie d’horreurs. On retrouvera cette violence dans Le Signe de la Croix, mais ce sera déjà beaucoup plus tard…

 

Autour du réalisateur, on retrouve les fidèles (Billy Bitzer et Karl Brown, ainsi qu’une partie du casting de Naissance) et aussi des noms qui prendront bientôt leur envol (Constance Talmadge, Eugene Pallette, Bessie Love) ou les assistants prestigieux du film précédent (Walsh et Ford ne sont plus là, mais on note la présence de Tod Browning).
Le film est partiellement teinté (comme Naissance) et cela donne une teinte encore plus sanglante aux massacres perpétrés à chaque époque.

 

Encore une fois, le Maître nous reconstitue des événements historiques, utilisant diverses sources reconnues mais avec un souci d’authenticité aussi fouillé que lors de son précédent film.

Et encore une fois, Griffith décrit des situations intolérables passées mais surtout présentes (pour lui) avec la même honnêteté qui le caractérise. Toujours, Griffith croit en ce qu’il filme et ce qu’il raconte. Et si on sait qu’il fut un homme qui attachait beaucoup d’importance à la moralité, il ne peut pas s’empêcher de dénoncer ces femmes pétrie de bigoterie, qui savent mieux que tout le monde ce qui est bon et juste. Il n’hésita pas d’ailleurs à souligner que ces femmes se sont lancées dans leur croisade parce qu’elles n’ont plus la possibilité de séduire.

Tout un programme.

 

Ce sont alors près de trois heures d’un spectacle à couper le souffle, où le gigantisme le dispute à l’édifiant (Griffith, encore une fois nous donne une leçon, cette fois d’humanité) : grandiose.

Et si le succès ne fut pas exactement au rendez-vous, sachez tout de même que ce ne fut pas le flop annoncé. En effet, même si les Etats-Unis se préparaient à la guerre et que l’époque n’était pas obligatoirement aux grands sentiments, le film fut tout de même très bien accueilli, amis, malheureusement mal distribué*.

 

 

* cf. D.W. Griffith, Father of Film – épisode 2 (1993),  par Kevin Brownlow & David Gill.

Intolerance (D.W. Griffith, 1916)
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